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MAR A P A S CAT I NA .
l'Aghouanie ( i ) des troupes d'élite, ainsi que
toutes celles de la grande et de la petite Armé–
nie
(2),
et marche avec toutes ses forces contre le
pays des Mèdes. Astyage se trouve* alors en dan–
ger d'avoir à se mesurer avec le descendant
d'Haïg, auquel i l ne peut pas opposer des forces
inférieures. L a lutte se prolongea pendant cinq
grands mois, car la vivacité, l'ardeur de l'action
se ralentissaient lorsque Tigrane songeait au sort
de sa sœur bien-aimée; aussi i l manœuvrait de
façon à sauver les jours de Dikranouhi. Cependant
l'heure du combat approchait.
Mais je ne saurais trop louer mon héros, sa
taille majestueuse, son sûr coup de lance, la juste
proportion de tous ses membres, la beauté par–
faite de son visage; car i l était agile, en tout
bien conformé, et nul ne l'égalait en force. Pour–
quoi prolonger ce récit? L'affaire engagée, le hé–
ros , d'un coup de lance, fend comme [une lame
d']eau la lourde armure d'airain d'Astyage, le
transperse avec le fer de sa longue lance, puis, re–
tirant la main , i l ramène avec l'arme la moitié de
ses poumons (3). L e combat était magnifique, car
Arméniens à l'Ibérie, comme le nom de
Virk
sert à dési–
gner chez eux les anciens Ibériens et les Géorgiens ac–
tuels. On trouve aussi la forme
Vrais-cloun
[
maison
des Virk ] usitée chez les auteurs arméniens. Selon
M. Brosset le nom
Tëepîa
dont les Grecs se servent pour
désigner le pays des Virk ou Ibériens, serait dérivé de
la préposition arménienne
ver, i ver a
[
en haut], d'où se
sont formés
Vérin
et
Verialzi,
noms qui servent égale–
ment à désigner l'Ibérie et les Ibériens (Brosset,
Hist.
de la Géorgie,
t. I, introd., p. rv et v).
(1)
Le pays des Aghouank ou PAghouanie, nommé
improprement par les géographes occidentaux Albanie
du Caucase, se trouvait à l'est de l'Ibérie et s'étendait
depuis la Sarmatie près du Caucase jusqu'à la mer Cas–
pienne et aux frontières de l'Arménie près du Cyrus ou
Gour (Cf. la
Géogr. attribuée à Moïse de Khorène,
dans
les
Mémoires sur VArménie de St-Martin,
t. II, p.
358-
359).
Les limites de ce pays ont varié à différentes épo–
ques ; dans l'antiquité le pays des Aghouank ne compre–
nait que les contrées actuellement appelées Schirwan et
Daghestan; mais plus tard, les Aghouank conquirent sur
l'Arménie tous les pays situés sur la rive droite du Cy–
rus .(St-Martin,
Mém. sur VArménie,
1.1,
p.
214
et
suiv),
(2)
Quelques critiques pensent qu'il ne faut pas
prendre à la lettre les expressions de notre auteur, et
en tirer cette conclusion que Tigrane appela sous ses
drapeaux tous les hommes d'élite de l'Arménie propre–
ment dite et des provinces connues sous le nom de
petite Arménie, mais qu'on doit donner à ces paroles un
sens différent. Ainsi les éditeurs de l'édition italienne de
VHistoire de Moïse de Khorène
(
Venise,
1850,
p.
79,
note
2 )
disent « per grandi e piccoli, intendiamo i nobili
e i cittadini ».
(3)
Ce récit de la mort d'Astyage n'est pas d'accord
avec ceux d'Hérodote (liv. I , ch.
130),
de Xénophoo
(
Cyropédie,
liv. I, ch.
5),
de Ctésias et de Justin (liv. I,
c'étaient braves contre braves, ne tournant pas
facilement le dos ; aussi l'action dura longtemps.
Ce qui mit fin au combat fut la mort d'Astyage.
Cet exploit, ajouté à tous les succès de Tigrane,
augmenta sa gloire.
X X I I I .
(
CH
.
xxx . )
Pourquoi Tigrane envoya sa sœur Dikranouhi à
Tigranocerte. — Anouïsch, première femme
d'Astyage. — De la
captifs.
résidence assignée aux
On raconte aussi qu'après le succès de cette af–
faire, Tigrane, avec une pompe royale, envoya
sa sœur Dikranouhi accompagnée d'une très-forte
escorte en Arménie, au bourg qu'il appela de son
nom Tigranocerte (Dikranaguerd)
(1),
et i l or–
donne à toute la contrée d'obéir à la princesse.
L à , une noble famille appelée Osdan
(2) ,
dit
[
l'historien], est une race royale issue de cette
dernière.
Enfin Anouïsch, la première des femmes
d'Astyage, et beaucoup de jeunes princesses ses
ch.
6),
qui s'accordent à dire que le roi mède survécut
à la perte de son empire. Cependant Isocrate
(
Évago-
fas,
§ 38)
dit qu'Astyage fut mis à mort par Cyrus.
(1)
Tigranocerte est une localité fort ancienne sur
l'emplacement de laquelle s'élève aujourd'hui la ville
d'Amid ou de Diarbékir. Cette ville faisait partie de la
province d'Aghdznik (Faustus de Byzance, liv. IV, ch.
24;
liv. V, ch.
27).
Selon les Grecs, cette ville aurait eu pour
fondateur non pas Tigrane le dynaste haïcien, mais
Tigrane (Dikran II) le grand monarque arsacide, célèbre
par ses conquêtes dans le premier siècle avant notre ère
(
Strabon,
1.
XI, ch.
14,
§ 15.
Appien,
de bello Mithrid.f
ch.
8.
Plutarque,
Lucullus).
Tigranocerte est appelée
par Appien
Tigranopolis,
qui est la traduction du nom
arménien. — Tigranocerte fut prise par le roi de Perse
Sapor en
359
(
Ammien -Marcèllin, liv. XVÏII, ch.
9, 10;
liv. XIX, ch.
1-9.
Moïse de Khorène, liv.
I I I ,
ch.
26,
28.
Faustus de Byzance,
loc. cit.).
Cf. sur cette im–
portante cité : ïndjidji,
Géogr. anc.,
p.
74
et
330.
Le
même,
Géogr. moderne,
p.
211.
St-Martin,
Mém.
sur l'Arménie, t.
I, p.
165-173.
(2)
Osdan qui veut dire : « royal, noble, » est à la fois
un nom de famille et l'appellation du territoire où se
fixa cette famille, comme on peut le voir dans les écrits
d'Elisée
(
Hi$t. des Vartaniens,
p.
10,71),
et de Faustus
de Byzance
(
Hist. d'Arm.,
p.
129 ).
Toutefois il ne faut
pas confondre le territoire occupé par la satrapie d'Os-
dan avec deux autres localités dumême nom situées,.
l'une dans le pays des Rechdouni, sur les rives méri–
dionales du lac de Van, et qui fut au onzième siècle la
résidence des rois Ardzrouni du Vasbouragan (Matthieu
d'Edesse,
Chronique,
liv. I I , ch.
38,
p.
42
de la trad*.
franc.), et l'autre dans la province d'Ararat ( cf. ïndjidji,
Géogr. anc,
p.
167,, 458. —
St-Martin,
Mémoires sur
VArm.,
1.1,
p.
141).
Selon certains critiques, l'Osdan
désignait quelquefois une sorte de
municipe.
Fonds A.R.A.M