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MAR A P A S CAT I NA .
X V I . (CH. XXIII.)
Des fils de Sennéhérim. — Les Ardzrouni, les Ké~
nouni et le prince d Aghdznik en sont issus. —
Démontrer dans le même chapitre que la mai–
son d'Ankegh vient de Baskam.
Avant de commencer l'histoire du grand Tigrane
(
Dicran) qui est le neuvième de nos ancêtres cou–
ronnés, prince vaillant, renommé et toujours v i c –
torieux entre les conquérants, nous raconterons
ce qui est le plus important. Ce qui concerne Sen-
nakérib ( Sennékérim ) a été mis en oubli. E n ef–
fet, environ quatre-vingts ans avant le règne de
Nabuchodonosor, vivait Sennakérib, roi d'Assy–
rie , celui-là même qui assiégea Jérusalem sous
Ezéchias, chef des Juifs ( i ) . Ayant tué leur père,
les fils de Sennakérib, Atramelek et Sanassar, se
réfugièrent chez nous (a).
L ' un d'eux, Sanassar, fut établi par notre vail–
lant ancêtre Sgaïorti au sud-ouest de notre pays,
près des confins de l'Assyrie. Les descendants de
Sanassar ont peuplé la montagne de Sim ( 3 ) . Les
plus grands et les plus illustres d'entre eux, ayant
signalé dans la suite leur dévouement envers nos
rois, furent jugés dignes d'obtenir le gouverne–
ment
(4)
de ces contrées. Arkamozan se fixe au
(1)
Le mot
aradchnort.
signifie en arménien littéral
«
conducteur, chef, prince » ; c'était un titre purement
civil. De nos jours, cette expression a pris un tout
autre sens et s'applique spécialement
à
un fonctionnaire
de l'ordre religieux chargé de l'administration civile
d'une province où résident des Arméniens. Les fonctions
de l'aradchnort ont été définies dans le projet de cons–
titution nationale que se sont donnée les Arméniens de
la Turquie en 1860 (cf.
Azkaïn sahmanatrouihioun
Constitution nationale des Arméniens (Constantinople,
1860),
p. 8, article 4 ; et traduct. française (Paris, 1862),
p. 6, article 4).
(2)
Isaïe, XXXVII, 38, — IV, Rois, XIX, 37. — Cf.
Josèphe
(
Ant.judaïq.,
X, 12), d'après Bérose dont les
fragments sont conservés dans la Chronique d'Eusèbe
(
Éd. Aucher (Venise, 1818), 1.1, p. 39 et suiv.) et dans
le Syncelle, p. 78, c , etpubliés dans les
Fragm. histor.
grxcorum,
t. I I , p. 504, § 12.
(3)
Cf. ïndjidji,
Géogr. ancienne,
p. 70. — Selon
Moïse de Khorène (liv. I , ch. 6), Sim fils de Xisuthre
(
autrement Sem fils de Noé) vint en Arménie et s'établit
au pied d'une montagne
à
laquelle i l donna son nom. Le
même historien cite à propos de cette montagne le nom
d'OIympiodore, historien grec dont les œuvres ne sont
pas venues jusqu
'
à
nous (liv. I I , ch. 74) et qui est différent
du philosophe néoplatonicien du même nom. Quoi qu'il en
soit de ces traditions,nous savons seulement que les Ar–
méniens appliquaient le nom de Sim aux montagnes qui
partent de
l
'
ouest de Van et s'étendent jusqu'au Tigre
(
St-Martin,
Mém. sur l'Arménie,
t. I , p. 54).
(4) "
Le mot
pteschkhouthioun
,
dont le radical est
pteschkh
ou
ptiaschkh,
que les auteurs du grand dic-
sud-est du pays ( i ) ; c'est de l u i , dit l'historien,
que descendent les Ardzrouni et les Kénouni (a).
Voilà la raison qui nous a fait rappeler Sennaké–
rib.
L a maison d'Ankegh, dit le même historien,
est issue d'un certain Baskam, petit-fils de Haï-
gag" (
3
) «
X V I I . (CH. xx i v . )
De Tigrane
( 4 ) ,
tel qu'il fut en toutes choses.
Passons actuellement à ce qui regarde Tigrane
et ses entreprises. C'est, de tous nos rois, le plus
puissant, le plus vertueux, le plus brave de tous
ces princes et de tous les guerriers. I l aida Cyrus
à renverser l'empire des
Mèdes ( 5 ) ,
i l retint long–
temps sous son obéissance les Grecs, et i l étendit
notre territoire jusqu'à nos anciennes frontières.
Objet
d
'
envie pour tous les contemporains, i l
fit
aussi, lui et son siècle, l'admiration de la postérité.
E n effet, qui donc parmi les vrais guerriers et
les admirateurs de la valeur et de la vertu ne
tressaille au souvenir de Tigrane, ne désire ar –
demment
l
'
égaler en grandeur? Chef et modèle
des guerriers, signalant partout son courage, i l
éleva haut notre nation; nous étions courbés
tionnaire arménien rendent par urcaicç,
consul, dux,
signifie
à
proprement parler un gouverneur militaire de
province, un satrape commandant
à
l'une des grandes
divisions de lamonarchie arménienne. Selon M. Brosset,
le mot
ptiaschkh
serait dérivé des deux. mots
bed,
«
chef », et
aschkharh
, «
contrée », et signifierait un
satrape de province
(
Histoire de la Siounie
d'Etienne
Orbélian
,
p. 15, note 2). Le titre de
ptiaschkh
était sur–
tout donné au chef de la province de Goukark , la
IYD-
yapY
]
VYJ
de Strabon (liv. X I , 14, 4.), qui correspond au
Somkheth des historiens et des géographes géorgiens;
c'est la partie de la Géorgie située au sud de la Khram
ou Ktzia. On connaît une pierre gravée, faisant partie
des collections de la Bibliothèque impériale, où est repré–
senté un
ptiaschkh
du Goukark. La légende grecque qui
entoure le buste du personnage rend le mot
ptiaschkh
par
7
nrixia|Y);
(
Cf. Visconti,
Iconog. grecque,
t.
J J ,
p. 269
et suiv., pl. XLV, n°l0).
(1)
Arkamozan est le surnom d'Atramelek; mais
comme ce surnom n'est pas donné dans les Livres saints,
on doit croire qu'il s'était conservé dans les traditions
nationales, ou que Moïse de Khorène l'avait trouvé men–
tionné dans le livre de Mar Apas Catina.
(2)
Ce dernier nommanque dans certains manuscrits.
Sur ces deux familles, cf. plus bas, xxxm (liv. I I , ch. 8).
(3)
Le
canton d'Ankegh ou Ankegh-doun [maison
d'Ankegh],
YIngilène
des Grecs, faisait partie
de la
Qua–
trième Arménie. — Cf. plus bas, xxxm (liv. I I ,
ch.
8).
(4)
C'est du nom de Pikran que les Grecs ont fait
Tiypeîvyjc.
(5)
Xénophon,
Cyropédie
,
liv. I I , ch. 4 . ; liv. I I I ,
ch. 1-3.
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