Souvent reprise par ses enfants à propos de sa
conduite déréglée et par trop voluptueuse , la
reine les fit tous périr, à l'exception de Ninyas,
le plus jeune. Dans son amour pour ses favoris,
elle leur (x) remet son pouvoir souverain, ses tré–
sors, et ne prend aucun soin de ses fils. Ninus, son
ma r i , n'était pas mor t ; et ne fut pas enterré,
comme on le d i t , par ses soins, dans le palais, à
Ninive ; mais voyant l a corruption de sa perfide
épouse, il abandonna l'empire et se réfugia en Crète
(
Gridé). Ses fils, devenus grands, reprochent à leur
mère sa conduite, croyant la faire rougir de ses
vices, de ses méfaits diaboliques, et l a déterminer
à leur céder le pouvoir et ses trésors. L a reine
devint plus furieuse encore et les fit tous mourir.
Ninyas fut seul épargné, comme nous l'avons dit
plus haut.
Par suite des torts de Z oroastre envers la reine et
de leur querelle, Sémiramis prend les armes contre
l u i , car i l songeait à établir partout sa tyrannie.
A u fort du combat, Sémiramis s'enfuit devant
Zoroastre, et gagne l'Arménie. Ninyas trouve le
moment opportun pour se venger; i l tue sa mère,
et règne sur l'Assyrie et Ninive. Nous avons dit
la cause et les circonstances de la mort de Sémi–
ramis
(2).
X I .
(
CH . XV I I I . )
Première guerre de Sémiramis dans les
Indes,
puis sa mort en Arménie.
J'ai en vue Céphalion (3), pour ne pas m'expo-
ser à être un sujet de risée ; i l parle d'après d'au–
tres écrivains, d'abord de la naissance de Sémi–
ramis
(4),
ensuite de sa guerre dans les Indes (5).
Mais les faits qui résultent de l'examen que fit
(1)
Deux manuscrits donnent la variante suivante :•
«
Dans son amour pour ses favoris, elle abandonne
à
ses
amants et à ses courtisans toutes les affaires
»
(2)
Comparez ce récit de la mort de Sémiramis avec
ce que disent Diodore de Sicile (liv. I I , ch.
20)
et Justin
(
liv. I , ch.
2),
qui rapportent qu'à la suite de la conspi–
ration de Ninyas contre sa mère, celle-ci lui remit l'em–
pire et disparut, pour se mêler au rang des dieux. Dio–
dore ajoute qu'elle prit la forme d'une colombe, et que
c'est pour cela que cet oiseau est vénéré par les Assy–
riens. — Cf. aussi Lucien,
De la Déesse syrienne,
ch. 14.
(3)
Cf. les
Fragm. hist or. grxc.
de M. Ch. Miiller
(
t. I I I , p. 625 et suiv.), où out été réunis tous les frag–
ments de Céphalion qui nous ont été conservés par Eu–
sèbe, Moïse de Khorène, le Syncelle et Malala.
(4)
Deux manuscrits ajoutent : « puis de sa guerre
contre Zoroastre, de sa défaite, ensuite
»
(5)
Cf. Eusèbe
(
Chronique,
t . I I , p. 90 et suiv.) et le
Syncelle (p. 133).
H I S T O I R E A N C I E N N E D E L ' A R M É N I E .
29
Mar Apas Catina, dans les livres chaldéens, nous
ont paru plus certains que toutes ces particula–
rités; car i l parle avec savoir etil expose les causes
de la guerre. Ajoutons encore que les fables
(
i )
de notre pays donnent raison au savant syrien,
en disant qu'ici (en Arménie) eurent lieu l a mort
de Sémiramis, sa fuite à p i ed , sa soif ardente,
ses recherches pour avoir de l ' e au , son empres–
sement à se désaltérer, et à l'arrivée des soldats
armés de glaives, le jet du talisman dans la
mer
(2),
d'où est venu ce chant : « Les perles de
Sémiramis dans l a mer . » Aimes-tu les fables?
Ecoute celle-ci : « Sémiramis changée en pierre,
bien avant Niobé. » Assez sur ce sujet, occupons-
nous des faits postérieurs.
X I I .
(
CH. XIX. )
Événements qui eurent lieu après la mort de Sé–
miramis.
Je veux dans cet ouvrage te montrer tous les
événements avec ordre , les ancêtres les plus re–
nommés de la nat i on, toutes les traditions qui
les concernent, chacun de leurs faits et gestes,
en omettant toutes les choses imaginaires ou incon–
venantes dans nos récits, et en racontant ce qui
se trouve dans les livres, et notamment dans les
discours des hommes sages et profonds, d'où nous
avons précisément cherché à rassembler et à
extraire les documents de notre antiquité. E t
nous dirons : dans cette histoire, nous nous som–
mes attaché à la justice et à la vérité , aussi bien
par inspiration que par conviction. C'est avec
de telles dispositions qu'est faite notre compila–
tion. Dieu le sait! louable ou blâmable aux
yeux des hommes, leur jugement importe peu ;
mais l'uniformité de notre récit, la suite ré–
gulière des personnages, sont une garantie suf–
fisante de l'exactitude de nos recherches. Ceci
posé, certain ou presque assuré de la vérité, j e
commencerai par t'exposer les faits postérieurs,
en suivant l'ordre historique.
Or, après la mort de Sémiramis, tuée par son
fils Zamassis (3), c'est-à-dire Ninyas, né après le
meurtre d'Ara, nous savons avec certitude l'ordre
(1)
Le mot
arasbel,
en arménien, est susceptible de
plusieurs acceptions, et dans ce passage, i l peut bien
vouloir dire, « légende », bien que cette signification ne
soit pas donnée par les dictionnaires.
(2)
H est question ici de la mér de Van.
(3)
La
Chronique d'Eusèbe
(
éd. du P. Aucher; Ve–
nise, 1818,
2
vol. in-4°) donne au fils de Sémiramis et
de Ninus le nom de Zamès (t. I , p. 98, t. I I , p. 15).
Fonds A.R.A.M