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MAR A P A S CAT I NA .
rience, i l ne pourra pas môme, en employant
toutes ses forces, détacher de cette construction
une pierre de fronde ; en examinant la parfaite
liaison des pierres, on croirait que la cimentation
a été faite avec de la cire coulée. Cette chaussée,
longue de plusieurs stades, va jusqu'à la ville.
L a reine fait ranger cette multitude de travail–
leurs en plusieurs classes, et donne pour chef à
chacune le meilleur des artisans. Ainsi à force
de fatigues continuelles, elle achève en peu d'an–
nées cesmerveilleuses constructions, qu'elle en–
toure de fortes murailles avec des portes d ' a i –
rain. Elle bâtit aussi dans la ville de nombreux et
magnifiques palais, ornés de différentes pierres de
diverses couleurs, élevés de deux ou trois étages,
chacun, comme i l convient, exposé au soleil. Elle
distingue par de belles couleurs les quartiers de
la ville, les divise par de larges rues ; elle cons–
truit, selon les besoins, des thermes au milieu de
l a ville, avec un art admirable. Distribuant dans
la cité une partie des eaux du fleuve , elle les
amène partout où il en est besoin, et aussi pour
l'arrosement des jardins, et des parterres. Quant
à l'autre portion des eaux, près des bords du lac
à droite et à gauche, elle les destine aux usages
de la ville et de tous les environs. Toutes les par–
ties de la v i l l e , à l'est, au nord et au sud, sont
décorées par elle de beaux édifices, d'arbres
touffus, produisant des fruits et des feuillages
différents; elle plante aussi quantité de vignes
dans les terrains fertiles en vins. Elle rend de
tous côtés magnifique et splendide la portion de
la ville entourée de murailles, et y fait entrer une
immense population.
Quant à l'extrémité de la ville et aux merveil–
leux édifices qui s'y trouvent, bien des gens igno–
rent l'état des choses; i l est donc impossible d'en
faire la description. Sémiramis garnit le sommet I
des murailles, ouvre des entrées d'un accès dif–
ficile , et élève un palais royal, avec de terribles
oubliettes. L e dessin et le plan d'un semblable
édifice ne nous ont été transmis par personne
avec vérité, aussi nous ne croyons pas opportun
d'en parler dans cette histoire. Nous dirons seu–
lement , que de tous les ouvrages royaux, comme
nous l'avons appris, c'est le premier et le plus
splendide.
Sur le côté oriental de la grotte, là où actuel–
lement on ne peut tracer un seul trait avec la
pointe, tant la pierre en est dure, on a creusé
des palais, des chambres, des caveaux pour mettre
les trésors et de longues galeries ( i ) . Personne
(1)
Tous les détails circonstanciés que notre auteur
ne sait comment ces merveilleuses constructions
ont pu s'élever. Sur toute l a surface de la pierre,
comme sur de la cire, avec une pointe, sont
tracés beaucoup de caractères (i). Or, la vue d'un
semblable prodige jette tout le monde dans l
'
é-
tonnement ;mais assez sur ce sujet. Dans beaucoup
d'autres cantons de l'Arménie, la reine fit graver
sur la pierre le souvenir de quelqu'événement;
sur beaucoup de points, elle fit dresser des stèles
avec des inscriptions tracées de
même
(2).
Mais,
en voici assez sur les travaux exécutés en Armé–
nie par Sémiramis.
X . ( CH . XVII.)
De Sémiramis; pourquoi elle fit périr ses enfants?
Comment s'enfuit-elle en Arménie pour échap–
per au mage Zoroastre ? Elle est tuée par son
fils Ninyas.
L a reine, voulant toujours aller passer l'été
dans le nord, dans la ville qu'elle avait fondée en
Arménie, laissa comme gouverneur de l'Assyrie
et de Ninive Zoroastre (Zrataschd) mage et chef
religieux des Mèdes ( Mar ) ; pendant longtemps
les choses étant ainsi réglées, Sémiramis remit
tout le pouvoir aux mains de Zoroastre.
donne ici sur la ville dont la fondation est attribuée à
Sémiramis et qui s'appela de son nom Schamiramaguerd
sont confirmés par Diodore de Sicile, (liv. I I , ch. 13, 14),
par les géographes et les voyageurs modernes et no–
tamment par Indjidji, Schultz, Jaubert et autres. Le
nom de Schamiramaguerd fit place
à
celui de Vanaguerd
ou Vanapert [ville ou château de Van ] , dont le nom
s'est conservé intact jusqu'à nous. Ptolémée l'appelle
Bouàva (
Géogr.,
liv. V. ch. 13, 21) et les Byzantins 'I6àv.
(
Gédrénus, t. I I , p. 774.) Cette ville dut son nom de Van
à
un roi d'Arménie ainsi appelé, qui la fit reconstruire, et
ce nom finit par lui rester, bien que le souvenir de Sémi–
ramis ait persisté pendant toute la suite des siècles.
(1)
I l s'agit ici des inscriptions cunéiformes en langue
amiéniaque
(
Oppert,
Expéd. de la Mésopotamie,
t. I I , p. 9) qui jusqu'à présent n'ont pas été déchif–
frées. Cependant on doit dire que ces inscriptions don–
nent des noms de rois complètement inconnus dans l'his–
toire , ce qui permettrait de supposer qu'elles ont été
gravées par ordre de princes appartenant à une dynas–
tie arménienne qui régnait à une époque fort ancienne
sur les bords du lac de Van, dans le pays de Vasbou-
ragan. On a là parmi les noms de ces princes celui du roi
Argistès
(
Schultz,
Inscriptions de Van
,
planche V I .
—
Hincks, dans le
Journal de la Soc. asiat. de Londres,
t. IX, n° 18, p. 387 et suiv.) qui se retrouve aussi dans une
inscription récemment découverte à Kalincha, et dont le
fac-similé a été donné dans les
Mélanges asiatiques de
VAcad. des Sciences de Saint-Pétersbourg
(
t. IV, p. 674).
(2)
Cf. Diodore de Sicile (liv. I I , ch. 13), qui dit que
ces inscriptions étaient « en caractères syriens », c'est-
à-dire assyriens.
Fonds A.R.A.M