H I S T O I R E A N C I E N
Mais quand le cadavre fut en putréfaction, elle
le fit jeter [ pa r ses serviteurs
(
i ) ]
dans une fosse
profonde pour le dérober ainsi à la vue de tous.
Puis ayant travesti en secret un de ses amants, elle
publie sur A r a la nouvelle suivante : — a Le s
dieux,en léchant les plaies d ' Ar a , l'ont rendu à
la v i e , et ont. ainsi comblé nos vœux les plus
chers; aussi dorénavant ils doivent encore être da–
vantage adorés et glorifiés par nous, comme les
auteurs de notre félicité et de l'accomplissement
de nos désirs. » — Sémiramis érige une nouvelle
statue aux dieux
(2)
,
l u i offre des sacrifices,
comme si la puissance de ces dieux avait sauvé
Ar a
( 3 ) .
A l'aide de ces bruits répandus en Armé–
nie touchant A r a , Sémiramis persuada tous les
esprits et fit cesser la guerre.
E n ce qui regarde A r a , i l suffit de le rappeler
en ce peu de mots : ayant vécu
(4)
années,
Ar a engendra Gartos
( 5 ) .
I X . ( CH . XVI.)
Comment
après la mort d'Ara*,
Sémiramis
bâtit
la
ville,
la chaussée du fleuve
(6)
et son
palais.
Après ces succès, Sémiramis, s'étant arrêtée
peu de jours dans la plaine appelée Ararat , du
nom d ' Ar a , passe au sud de la montagne, car
on était alors en été, pour se promener dans les
vallons, et les campagnes en fleurs. E n voyant la
beauté du pays, la pureté de l'air, les sources lim–
pides qui jaillissent de toutes parts, le cour sma -
(1)
Les mots ajoutés entre crochets manquent dans
beaucoup de manuscrits.
(2)
Le mot
dev
qui a généralement chez les auteurs ar–
méniens le sens de « bon génie », paraît avoir eu chez les
premiers écrivains de l'Arménie et notamment dans
Moïse de Khorène, le sens de « mauvais génie ». — Cf.
Ëmin,
traduct. russe de l'histoire de Moïse de Kho–
rène,
p.
256,
note
59.
(3)
Ce passage ne laisse aucun doute sur la nationalité
assyrienne des Aralèz. M. Émin ne doute pas que. l'Aralèz
était représenté avec une tête de chien. (
Traduction
russe de l'Histoire de Moïse de Khorène,
p. 251-256,
note
57
;
et
Recherches sur le paganisme arménien,
p.
39.)
n serait curieux de rapprocher le mythe des Ara–
lèz du culte d'Anubis, ce dieu du panthéon égyptien ca–
ractérisé par une tête de chacal ou de chien, et qui avait
présidé avec Horus aux détails de l'embaumement d'O-
siris. Le chacal, dans la mythologie de l'antique Egypte,
était le symbole d'Anubis, et on le représente couché
sur des coffrets funéraires, comme un gardien des morts.
(4)
Les manuscrits présentent tous
la
même lacune en
cet endroit.
(5)
Gartos fut surnommé Ara, du nom de son père,
que l u i imposa Sémiramis (Jean Catholicos,
Hist. d
1
Ar–
ménie,
ch.
vin).
(6)
Quelques manuscrits disent :
des fleuves.
Ï E D E L ' A R M É N I E .
2 7
jestueux des fleuves au doux murmure : — « H
nous faut, dit-elle, dans un pays où le climat est si
tempéré et l'eau si pur e , fonder une ville, une
demeure royale pour résider [ i c i
(
i ) ]
en Arménie,
au milieu de toutes les délices, l a quatrième par–
tie de l'année; les trois autres
saisons
plus froi–
des , nous les passerons
à
Ninive. »
Sémiramis, ayant visité beaucoup de sites,
arrive du côté oriental, sur le bord du lac
salé (a) ; elle voit sur ces bords une colline
oblongue, exposée dans sa longueur au couchant;
un peu oblique au no r d ; au midi une grotte s'é-
levant droit et perpendiculairement vers le ciel ;
à
peu de distance au sud , une vallée plate, confi–
nant
à
l'orient avec la montagne, et qui, en
s'allongeant vers le l a c , s'élargit et prend un a s –
pect grandiose. A travers ces lieux, des eaux
pures, tombant de l a montagne dans les ravins
et les vallées, réunies
à
la large base des mon –
tagnes, devenaient de véritables fleuves. A droite
et
à
gauche des eaux, s'élevaient dans cette vallée
de nombreux villages ; et
à
l'est de cette riante
colline, se dressait une petite montagne.
I c i , l'active et impudique Sémiramis, ayant tout
examiné en détail, fit aussitôt venir de l'Assyrie et
des autres parties de son empire, et rassembler en
ce lieu douze mille ouvriers .et six mille maîtres de
tout état, pour travailler le bois, la pierre, le bronze
et le fer, tous très-habiles dans leur art. Tout
s'exécutait selon les ordres de la reine. On voyait
accourir en hâte des ouvriers et des maîtres de
tout état. Sémiramis fait d'abord construire l a
chaussée du fleuve, avec des blocs de r oche r s ,
liés entre eux avec de la chaux et du sable [fin
(3)],
œuvre gigantesque pour l'étendue et l a hauteur
et qui existe,
à
ce que l'on dit, encore
à
pré–
sent
(4).
Dans les fentes de cette chaussée, nous
le savons par ouï-dire, les voleurs et les vaga–
bonds du pays y cherchent un refuge et s'y c a –
chent en sûreté comme sur les cimes désertes des
montagnes. S i quelqu'un veut en faire l'expé-
(1)
Ce mot manque dans plusieurs manuscrits.
(2)
Le lac de Van ou d'Aghthamar dont i l a été ques–
tion plus haut.
(3)
Cet adjectif manque dans quelques manuscrits.
(4)
Cf. sur ces travaux gigantesques attribués à Sémi–
ramis, Indjidji,
Géogr. mod.,
p.
138-139. —
Le même,
Géogr. anc,
p.
177-186. —
Jaubert,
Voy. en Armé–
nie et en Perse',
p.
136-137. —
Schultz,
Lettre à Saint-
Martin,
et notice de ce dernier, intitulée :
Voyage litté–
raire en Orient de Schultz et découvertes qu'il a
faites dans la ville de Sémiramis,
dans
le
Journal
1
statique,
1828. —
Inscriptions de Van relevées par
Schultz,
dans le
Journal asiatique,
1840,
avec planches.
Léon Alischan,
Géogr. de l'Arménie,
p.
49
et suiv.
Fonds A.R.A.M