H I STO I RE ANC I ENNE D E L'ARMÉNIE.
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en ce lieu un établissement, et le donna en apa–
nage
à
Gatmos, fils d'Arménag. » Ceci donne
raison aux récits des anciennes traditions non
écrites
(
i ) .
«
Quant
à
Haïg, i l s'en
T a ,
dit-il, avec le reste
de sa suite au nord-ouest, s'établit sur une plaine
élevée, appelée Hark (Pères)
(2),
ce qui veut
dire : I c i habitèrent les Pères de la race de Thor-
sence, aux environs de l'Ararat, de populations au-
tochthones antérieures aux Arméniens. Si l'on rapproche
ce passage des données qui sont contenues dans les Livres
Saints, on s'aperçoit bien vite que ces populations pri–
mitives ne pouvaient être que des Araméens, que nous
savons avoir occupé une partie de l'Arménie et„notam-
ment Our-Kasdim qui est la même chose qu'Arphaxad ou
pays des Kasdes. I l existe en effet une autre tradition
conservée aussi par Moïse de Khorène (liv. I , ch. 6 ) qui
fait arriver Sim, fils de Xisuthre, en Arménie, après le
déluge,
où
i l aurait fondé des établissements au pied des
montagnes qui s'étendent depuis le lac de Van
à
l'ouest
jusqu'au Tigre. Or, Sim, selon Moïse de Khorène, serait
Sem, fils de Noé, qui aurait donné son nom
à
ces mon-
tagnes. De cette manière la présence de populations
araméennes en Arménie antérieurement
à
l'arrivée de
Haïg se trouverait ainsi démontrée. I l est probable que
ce fut l'arrivée des Arméniens qui occasionna le mouve–
ment des Araméens vers le sud, mouvement auquel est
!
attaché le nom de Térach ou Tharé
(
Genèse,
XI I , 31),
'
et qui détermina cette marche du nord-est au sud-ouest
que les Sémites prennent aussitôt après la formation des
grands empires de l'Asie, et notamment après l'établis–
sement de celui de Babylone. Cette migration des Sémites
vers le sud,ayant eu lieu vers l'an 2,000 environ avant no–
tre ère, se trouve être en effet contemporaine de l'arrivée
de Haïg ou des Arméniens dans le pays d'Ararat, que les
chronographes fixent vers l'année 2,107 avant notre ère.
(
Renan,
-
Hist. des langues sémit.,
liv. I , ch. 2, § 1 et 2.
—
St-Martin,
Mém. sur VArménie, t.
I , p. 407.
—
Tcha-
mitch,
Hist. d'Arménie;
en arménien, tables). Ce^remier
contact des Araméens et des Arméniens dans la région
d'Arphaxad, explique la présence, dans la langue armé–
nienne , d'éléments sémitiques fort anciens ; aussi les ana–
logies quePosidonius, cité par Strabon
(
Géogr.,éd. Didot,
liv.
I,
ch. 2, p. 34 et suiv.), croit trouver entre les Syriens
et les Arméniens par la langue, les mœurs et la physiono–
mie, ne sont peut-être pas sans fondements. M. Renan
est toutefois d'un avis contraire
(
Lang. sémit.,
liv. I ,
ch. 2, § 2), et i l considère ces analogies comme des res–
semblances purement superficielles.
(1)
Le mot
zroïiz
signifie en arménien « une histoire
en prose, une tradition antique transmise oralement,
puis recueillie dans la suite des âges et consignée par
écrit. » (Emin,
Vebkh.... Chants de Vancienne Arménie
(
en arménien), Moscou , 1850,
Préface,
p. 6 et 7. —
Cf. aussi
Étude sur les chants historiques de l'an-
cienne Arménie,
dans le
Journal asiat.,
1852,
et tirage
à part, p. 9 et suiv.). Outre ces
zroïiz,
les anciens
Arméniens avaient encore des
vebkh
«
poésies tradition–
nelles ou historiques » , auxquelles Moïse de Khorène
a fait de nombreux emprunts. (Emin,
op. cit., préface,
p. 7.)
(2)
Le canton de Hark, dans le Douroupéran, est le
même que la Xàpxa de Constantin Porphyrogénète,
De
adm. imp.,
ch. 44.
MAR APAS CATINA.
gom
(1).
Puis il bâtit un village qu'il appela Haï*
gaschen (construit par Haïg). » L'histoire dit,
encore : « Au milieu de ce plateau, près d'une
montagne à large base
(2),
quelques hommes
s'étaient déjà établis, et ils se soumirent volon–
tairement au héros. » Ceci donne encore raison
aux anciennes traditions non écrites.
IV.
(
CH. XI . )
De ta guerre d'Haï g et de la mort de Bélus.
Poursuivant sa narration, (Mar Apas Catina)
dit»: « Bélus, ce Titan, ayant affermi sur tous sa
domination , envoie dans le nord vers Haïg , un
de ses fils, accompagné d'hommes fidèles, pour
l'obliger à se soumettre à lui et à vivre en paix :
—
T u t'es fixé, dit-il (à Haïg), au milieu des glaces
et des frimas; réchauffe, adoucis l'âpreté gla-,
ciale de ton caractère hautain, et, soumis à mon
(1)
L'épithète de race ou maison de Thorgom, d'où les
Arméniens ont formé le nomde
Thorgomatzi,
est souvent
donnée à leur nation (
Ezéchiél,
XXVII, 14). Ils préten–
dent en effet que le patriarche Thorgom, que les autres
peuples appellent Thogorma, était fils de Thiras, fils de
Gomer, ainsi que nous l'avons vu plus haut. Les Géor–
giens et différents peuples du Caucase se donnent éga
lement le nom de
Thargamosiani
,
du nom de Tho–
gorma dont le fils aîné, Haos, serait le même que Haïg
(
Brosset,
Hist. de la Géorgie,
t. I,p. 15 et suiv.). Toute–
fois cette tradition est purement biblique, et n'a eu cours
en Arménie et en Géorgie qu'après l'introduction de la
foi chrétienne, puisque Mar Apas Catina dit qu'Haïg
était fils de Thaglat, qui est un nomd'origine babylo–
nienne, et qui entre dans la composition de plusieurs ap–
pellations royales*, comme Thaglat Pileser, etc. L'assimi–
lation que Moïse de Khorène a tentée entre les deux
noms de Thorgom ou Thogoyma et Thaglat est sans fon–
dement, et n'a eu d'autre but que de rattacher les
traditions nationales aux données fournies par les textes
sacrés.
(2)
La montagne dont i l est ici question est probable–
ment une de celles qui font partie de la chaîne qui s'étend
depuis l'Araxe jusqu'aux bords de l'Euphrate, du Tigre
et du lac de Van. La partie de cette chaîne qui est la
plus élevée et qui est perpétuellement couverte de neige,
porte chez les Arméniens le nom de Masis, qui est con–
sidéré comme l'Ararat des Livres Saints. Toutefois il paraît
que ce nom de Masis, qui ne s'applique maintenant
qu'aux parties montagneuses de
l
'
Arménie centrale, s
'
é–
tendait autrefois bien plus loin vers le midi, du côté
de la Mésopotamie, car les anciens géographes désignent
sous Je nom de
Masius,
la partie du Taurus, voisine
d'Amid, qui séparait l'Arménie de la Mésopotamie.
(
Strabon,
Géogr.,
liv. X I , ch. 12 , p. 447.
—
Ptolémée,
liv. V, ch.
18.
—
Ammien Marcellin, liv. XVJII, ch. 6).
Les auteurs arméniens donnent encore auMasis, le nom
de
Medj-Liaren,
«
grande montagne », parce qu'il est le
point le plus élevé de leur pays (Moïse de Khorène,
Hist.
oVArm.,
liv. I , ch. 30.
—
Faustus de Byzance,
Hist
d'Arm.,
liv.V, ch. 25).
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Fonds A.R.A.M