M A R A P A S C A T I N A .
eux la confusion et le trouble (i). L ' un de ces
hommes était Haïg (a), de la race de Japhétos,
chef renommé, valeureux, puissant et habile à
tirer l'arc. »
Un tel récit doit s'arrêter i c i , car notre but
n'est pas d'écrire l'histoire universelle, mais de
nous efforcer de faire connaître nos premiers
ancêtres, nos anciens et véritables aïeux. Or , en
suivant ce livre, j e dirai : Japhétos, Mérod, S i -
rat, Taglat, c'est-à-dire Japhet, Gomer ( 3 ) , T h i -
ras (4), Thorgom; puis le même chroniqueur,
poursuivant, mentionne Haïg, Arménag (5) et
les autres par ordre, .comme nous l'avons dit plus
haut ( 6 ) .
(1)
Le nomde
Babel, b"22
et mieux b^Ss signifie con-
fusio (Unguarum).
La critique moderne a reconnu que
la légende delà
Tour de confusion,
fondée sur l
'
étymo-
logie fictive du nom de Babel, reposait sur l'extrême
difficulté que les diverses classes de la population de
Babylone y trouvaient à s'entendre (Renan,
Hist. des
lang. sémit.,
liv.
I ,
ch.
2,
p.
58).
Eusèbe dit en effet :
'
Ev
ôà T^j Ba6uXôm icoXv
lùrfioç
àv9pa>7co)v yevéaOai àXXos-
8
v<3v
xaTotx
^fjdcvTwv
Trjv
XaXôaïav (
Chronique ; édit.
Aucher,
1.1,
p. 19-20).
Rapprochez ce passage du vers
qu'Eschyle fait prononcer au chœur dans sa tragédie des
Perses,
52
et suiv.
(2)
Haïg, que les' traditions arméniennes nous repré–
sentent comme le premier patriarche de la nation, n'est
autre chose que l'éponyme national. Les Arméniens, de
toute antiquité, se sont* appelés
Haîk,
nom qu'ils por–
tent encore aujourd'hui.
(3)
Un msc. donne la variante
Kamir.
(4)
Thiras n'est pas nommé dans la Genèse ; c'est un
personnage mythique dont la création remonte aux pre–
miers temps du christianisme. Les Arméniens l'ont placé
entre Gomer et Thorgom
,
où
il sert de trait d'union
entre les fils de
Noé
et Haïg, en vue de rattacher les
ancêtres nationaux aux filiations bibliques. Au surplus
Moïse de Khorène n'est que l'écho de cette tradition, car
il déclare dans son Histoire (liv. I, ch.
5)
que Thiras n'est
pas mentionné dans les Livres Saints, et qu'il a dressé la
généalogie des patriarches de la nation arménienne sur
la foi d'un savant syrien qu'il ne nomme pas. On sait que
tous les peuples chrétiens de l'Asie font remonter,
par un procédé identique, leurs ancêtres nationaux,
éponymes on antres, aux enfants de
Noé.
Les premiers
historiens chrétiens ont employé cette méthode syncré -
tique, en vue de trancher la question si grave des origines
des peuples, et de ramener toutes les familles d'hommes
à une commune origine biblique. C'est ainsi que « les
Géorgiens, les Raniens, les Mowakaniens, les Hers et les
Lecs, les Mègres (Mingréliens) et les Caucasiens, sont
tous issus d'un même père nommé Thargamos, fils de
Tbarchis, fils d'Avanan (Iavan), fils de Japhet, fils de
Noé. » (Cf. les
Annales de Wakhtang
,
traduites du
géorgien en français, par
M.
Brosset, dans son
Histoire de
la Géorgie,
S.-Pétersb.,
1849,1.1,
p.
15
et suiv.). — Une
tradition identique existe chez les Afgans; cf. Hanway,
Beschreib. der neusten Reichsverànder. in Persien,
p.
19.
(5)
Un msc.vdonne la variante
Aramaniag.
(6)
Moïse de Khorène donne en effet la généalogie des
premierspatriarches de sa nation dans le ch.
5
du
1
e r
livre
I I I . (CH. x . )
De la rébellion de Haïg.
«
Haïg, dit-il, célèbre par sa beauté, sa force,
sa chevelure bouclée, par la vivacité de son re–
gard , par la vigueur de son bras, prince valeu–
reux et renommé entre les géants, s'opposa
à tous ceux qui levaient une main dominatrice
sur les géants et les héros. Dans son audace, ii
entreprit d'armer son bras contre la tyrannie de
Bélus ( i ) , lorsque le genre humain se dispersa
sur toute la terre, au milieu d'une masse de
géants furieux, d'une force démesurée. Car cha–
cun, poussé par sa frénésie, enfonçait le glaive
dans le flanc de son compagnon ; tous s'effor–
çaient de dominer les uns sur les autres. Cepen–
dant la fortune'aida Bélus à se rendre maître
de toute l a terre. Haïg, refusant de lui obéir,
après avoir engendré son fils Arménag à Ba –
bylone, s'en va au pays d'Ararat, situé du
côté du Nord, avec ses fils, ses filles, les fils de
ses fils, hommes vigoureux, au nombre d'envi–
ron trois cents, avec les fils de ses serviteurs,
les étrangers qui s'étaient attachés à l u i , et avec
tout ce qu'il possédait. I l s'arrêta auprès d'une
montagne où quelques-uns des hommes, précé–
demment dispersés, avaient fait halte pour s'y
fixer. Haïg les soumit à son autorité (a), fonda
de son Histoire. Selon lui, Haïg était fils de Thorgom ;
Haïg engendra Arménag, qui engendra Aramaïs, qui
engendra Amasia, qui engendra Kégham, qui engendra
Harma, qui engendra Aram, qui engendra Ara. J'ai déjà
fait observer que le nom de Haïg est l'éponyme de la
race; je dois en dire autant des noms d'Arménag ou Ara–
maniag , d'Aramaïs, d'Harma, d'Aram , qui tous* sont
dérivés du radical
arm,
et qui sont des formes plus
ou moins différentes d'une des appellations spéciales de
la race d'Haïg, et dont les Grecs et beaucoup d'autres
peuples ont fait les noms
Arménie
et
Arméniens-
(
Cf. Moïse de Khorène, liv. I, ch.
12.
—
Jean Catho-
licos,
Histoire d'Arménie,
ch.
8.
—
Samuel d'Ani,
Chronographie, éd. Zohrab et Maï,
p.
24.).
En
arménien le mot
arm
a la signification de
racine;
mais
je n'oserais pas affirmer avec certitude qu'il entre pour
quelque chose dans la formation des appellations précé–
dentes.
(1)
Bélus ou Bel parait correspondre ici, dans le récit
de l'historien, au Nemrod des Livres Saints
(
Genèse,
X,
8, 9 ).
Bel était une divinité assyrienne analogue au
Jupiter des Romains (Rawlinson,
On the relig. of the
Babylonians and Assyrians,
dans son
Histoire d'Héro–
dote,
t. I, p.
594
et suiv.). C'était l'Être primitif, le
créateur de tout ce qui existe (Chwolsohn,
Die Ssabier
und der Ssabismus,
t. II, p.
39, 165,171).
—
Cf. aussi
J.-B. Emin,
Recherches sur le paganisme arménien
(
Paris,
1864),
p.
33
et
34.
(2)
Ce passage du récit de Mar Apas Catina, emprunté
au livre chaldéen anonyme qu'il a compilé, révèle la pré-
Fonds A.R.A.M