H I S T O I R E A N C I E N N E D É L ' A R M É N I E .
l'objet le plus précieux, de ses trésors, la place
dans son propre palais, pour qu'elle y soit
gardée en sûreté, et en fait graver une partie
sur la pierre.
dans quelques provinces de l'Arménie, on se fût servi
d'un alphabet national, tandis que dans d'autres au
contraire, et notamment dans celles qui étaient limi–
trophes de la Perse, de la Syrie et des possessions grec–
ques, on aurait employé les caractères propres aux
idiomes parlés dans le voisinage. Dans la première hypo–
thèse , l'alphabet dont l'invention est attribuée à Mesrob,
écrivain du cinquième siècle, aurait été en usage depuis
un temps assez long dans certaines parties de l'Arménie,
et ce personnage n'aurait fait que le réformer, et le
compléter par l'addition de quelques caractères, et l'in–
troduction des signes voyelles (cf. notre
Mémoire sur
la culture des lettres en Arménie,
dans la
Revue d'O–
rient
(1863),
et le tirage à part, p. 12-13—J. B. Emin,
de l'alphabet arménien, dans sa traduction russe de Moïse
4
e Khorêne (Moscou, 1858), p. 361 et traduction fran–
çaise de cette note dans la
Revue d'Orient
(1865),
L'al–
phabet arménien).
Chacun sait que l'alphabet syriaque, —
et cela a lieu dans presque toutes, les langues sémitiques,
est dépourvu de voyelles, et qu'il fut complété au hui–
tième siècle de notre ère, au moyen de signes voyelles
empruntés à l'alphabet grec ( cf. Assemanni,
Bibliotheca
orientons,
t. I , p. 64 et suiv. ; t . I I I , 2
e
p. p. 378. —
Renan,
Hist. des langues sémitiques
,
p. 291 et suiv.).
On reconnaît également à première vue que les voyelles
arméniennes sont la copie des voyelles grecques légère–
ment altérées, et i l est évident dès lors que Mesrob,
auquel les historiens arméniens, et particulièrement
Moïse de Khorêne
(
Hist. d'Arménie,
liv. I I I , ch. 52-54),
attribuent l'invention des voyelles, et qui avait été en
Grèce, pour travailler à la recherche de l'alphabet dont
i l voulait doter son pays, se décida dans ce dernier pays
à emprunter aux Grecs les signes voyelles qu'il lit entrer
dans l'alphabet arménien (Moïse de Khorêne,
op. cit., •
liv. I I I , ch. 53). On peut lire l'histoire miraculeuse de
la découverte des caractères arméniens, non-seulement
dans Moïse de Khorêne, mais aussi dans
VHistoire uni–
verselle
de Vartan (éd. Ven., 1862,49 et suiv.) et dans As-
soghig
(
Hist. universelle,
Paris, 1859, 2
e
partie, ch. 1),
qui racontent qu'une main invisible traça, sur les rochers
du Palou, les caractères arméniens, devant Mesrob,
comme autrefois Dieu avait révélé au législateur Moïse
la loi d'Israël sur le mont Sinaï. En résumé, ce fut seu–
lement au cinquième
siècle de notre ère que
l'alphabet
arménien oncial
(
iergathakir,
écriture de fer), ou comme
on l'appelle encore, l'alphabet mesrobien, qui avait rem–
placé les caractères syriens, pelhvi et grecs, fut mis en
usage parmi les Arméniens, et dès lors i l fut constamment
employé pour la transcription des écrits conçus dans
l'idiome national. Cet alphabet se composa d'abord de
22
lettres, puis de 14 ( cf. Emin.,
op. cit., De l'alphabet
arménien), et
enfin plus tard, au x r i
e
siècle, on y ajouta
deux nouveaux caractères également empruntés à l'al–
phabet grec, et qui étaient destinés, le premier,
o,
à
remplacer la diphthongue
au, et
le second,
<p,
à rendre le
son
pF
ou
ph,
le
<p
grec, dont la forme n'a presque point
subi d'altération, et qui est encore très-reconnaissablc
aujourd'hui, même dans l'alphabet cursif ou
nodorkir,
assez différent des caractères
iergathakir
ou onciaux.
Le lecteur qui voudra étudier à fond la question si inté- i
restante de l'alphabet arménien consultera avec fruit la |
'
A i n s i , assuré de l'authenticité et de Tordre
des événements, nous les répétons i c i pour sa–
tisfaire ta curiosité. L'histoire de nos satrapies
y est prolongée jusqu'au Sardanapale des Chal-
déens, et même au delà. Vo i c i dans ce livre le
commencement des récits :
«
Terribles, extraordinaires étaient les p r e –
miers dieux, auteurs des plus grands biens dans le
monde , principes de l'univers et de la mu l t i p l i –
cation des
hommes. De ceux-ci se
sépara la race
des géants, doués d'une force t e r r i b l e , i nv i nc i –
bles, d'une taille colossale, q u i , dans leur or–
gueil, conçurent et enfantèrent le projet d*élever
la t our . Déjà ils étaient à l'œuvre : un vent f u –
rieux et d i v i n , soufflé par la colère des d i eux ,
renverse l'édifice ( i ) . Les d i eux , ayant donné à
chacun de ces hommes u n langage que les a u –
tres ne comprenaient pas, répandirent pa rmi
savante notice de M. Emin, qui a tiré des textes armé–
niens des données toutes nouvelles et a éclairci, avec cette
sagacité qu'on lui connaît, une question qui, avant l u i ,
était toujours restée insoluble. I l est bon de tenir compte
des observations du P. Karékin, mékhitariste de Ve–
nise, contenues dans son
Histoire de la littérature
arménienne
(
en arm., Venise, 1865), au sujet de l'al–
phabet arménien, chapitre intitulé « Caractères »
(
Kir)
p. 8 et suiv., où ce savant a également émis, au sujet de
l'invention des caractères, des idées fort ingénieuses.
(1)
La légende de la destruction de la Tour de Babel par
suite d'une tempête soulevée par la colère céleste, se
trouve aussi bien chez les auteurs profanes que dans les
écrits apocryphes de l'Ancien Testament, et en cela elle
diffère du texte de la Genèse, qui dit seulement que le
Seigneur, ayant confondu le langage des constructeurs,
ceux-ci se dispersèrent et cessèrent de bâtir leur ville
(
Genèse,
ch. X I ,
versets
4-9. —
Abydène,
Fragm. histor.
grœc, ed. Millier,
t. IV, p. 282. —Alexandre Polyhistor,
ext. du Syncelle, p. 44,
Fragm. hist. grxc, X.
I I , p. 502,
10;
t. BEI, p. 212. — Josèphe,
Antiquités judaïques,
liv. I , ch. 4). Ces deux derniers, d'après une tradition
qu'ils appellent
la Sibylle
,
racontent que, les hommes
ayant bâti une tour très-élevée, les dieux excitèrent
contre elle une violente tempête qui la renversa. Ces
deux témoignages sont non-seulement d'accord avec ce
que raconte l'auteur chaldéen dont Mar Apas Catina
rapporte ici le texte, mais ils sont encore corroborés par
un passage du
Livre du juste
ou
de la génération,
composition apocryphe, dont on doit la traduction faite
sur le texte hébreu rabbinique au chevalier Drach
(
cf.
Dictionnaire des Apocryphes
[
Migne, 1858], t . IT,
p. 1069 et suiv.), qui dit que la terre, ayant ouvert sa
bouche, engloutit un tiers de la tour, et qu'un feu des–
cendu du ciel consuma un autre tiers, ne laissant sub–
sister qu'un troisième tiers qui existe jusqu'à présent.
La tour de Babel ou tour de Bélus n'est autre chose que
la
Birs JSimrod
dont les ruines sont encore très-appa–
rentes dans la Babylonie (Fresnel,
Journal
asiatique,
juin 1853. — Oppert,
Expéd. de la Babylonie,
t. I ,
p. 132 et suiv. et dont on trouve aussi la mention dans
Hérodote, liv. 1 , 178, 183.)
Fonds A.R.A.M