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J N T R O J
cédemment, étaient employés par les Arméniens
à défaut d'un alphabet spécial à leur idiome et
qui ne fut inventé que beaucoup plus tard.
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y a deux parties bien distinctes dans la c om–
pilation de Mar Apas Ca t i na , dont Moïse de
Khorène nous a transmis des extraits. L a p r e –
mière est l'œuvre de l'auteur chaldéen anonyme
qui raconte l'histoire des premiers temps de
l'Arménie et du gouvernement des Haïciens, et
termine son récit
à
une époque antérieure à
l'avénement des Arsacides, puisque l a rédaction
de son livre a dû précéder l'arrivée d'Alexandre
à Babylone, si l'on s'en référé à l a suscription
même de l'ouvrage. L a seconde partie est une
continuation de cette histoire due à Ma r Apas
Catina lui-même. Ce compilateur, après avoir
traduit l'ouvrage de l'anonyme chaldéen du grec
en syriaque, ajouta, soit dans sa langue, soit en
arménien, —- nous manquons de renseignements
précis à cet égard, —p l u s i eu r s chapitres relatifs
à
l'avénement des Arsacides en Arménie, et à l'or–
ganisation politique que Valarsace donna à son
royaume.
Nous avons tout lieu de croire que Moïse
de Khorène n'est pas le seul écrivain qui ait eu
entre les mains l'ouvrage de Mar Apas Catina,
car on peut induire d'un passage de Jean Catho.-
licos, auteur d'une Histoire de l'Arménie écrite
au neuvième siècle, que cet annaliste, qui s'est
très-certainement aidé ' du texte de l'Histoire
de Moïse, dont i l a tiré beaucoup d'extraits, a
aussi consulté l'original de l a compilation de Mar
Apas Catina. E n effet Moïse de Khorène ne parle
pas des souverains qu i , après l a mort d'Anqus-
chavan, gouvernèrent l'Arménie, et i l passe i m –
médiatement d u règne de ce prince à celui de
Barouïr en disant « qu'il serait trop long de
rapporter cette histoire ( i ) » . Jean Catholicos
comble cette lacune dans son livre, et nous
donne même des détails assez circonstanciés sur
les usurpateurs qui s'emparèrent du trône après
la mort d'Anouschavan et gouvernèrent l'Armé–
nie jusqu'au règne de Barouïr, l'allié de Varbace
ou Arbace le Mède, qui renversa l'empire de Ni -
nive
(2)
.
De p l us , nous remarquons des diffé–
rences assez notables dans l a liste onomastique
! (1)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Ami.,
liv. I, ch. 20.
(2)
Jean Catholicos,
Hist. d'Arménie,
trad. franc, de
ôaint-Martin, p. 14.
>UCT10N.
des rois d'Arménie, dressée par Moïse de Kh o –
rène, et celle que Jean Catholicos nous a égale–
ment transmise. Ces additions d'une part, et ces
variantes d'autre pa r t , nous autorisent donc à
penser que l a compilation de Mar Apas Catina
existait encore en Arménie au neuvième siè–
c l e , et que cet ouvrage, dont l a perte est i r –
réparable, n'a disparu qu'après cette époque.
Toutefois c'est notamment au quatrième et au
cinquième siècle que l'ouvrage de Mar Apas Catina
fut surtout consulté. L e livre de Mar Apas fut
également connu de saint Jérôme, qui cite cet
auteur dans le chapitre I
e r
de ses
Commentaires
surÈzéchiel,
sous son surnom de Catina, épithète
qui, dit-il, signifie, «
X
STCTOV,
id est acutum
etin-
geniosum,
»
chez lesSyriens
( 1 ) .
Ce détail ne nous
permet pas de douter qu'il ne soit question i c i de
l'auteur de l a compilation dont s'est servi Moïse
de Khorène. S i une grande incertitude règne
sur l'âge du livre composé pa r Mar Apas Catina,
l a même difficulté existe pour fixer l'époque
exacte où florissait cet historien. Moïse de K h o –
rène ne nous a transmis aucun détail sur l a biogra–
phie de ce personnage, et, bien qu'il répète son
nom, à plusieurs reprises
( 2 ) ,
i l ne dit rien qu i
puisse jeter quelque lumière sur sa vie. U n passage
du Pseudo-Agathange, qu i nous a été conservé dans -
Y Histoire de Vempereur Héraclius
par Sébéos
( 3 ) ,
nous donnerait à penser que Mar Apas Catina
était un Arménien, car i l est qualifié du titre de
philosophe de Medzourkh, qui est le nom d'une
ville de la Haute-Arménie mentionnée pa r F a u s -
tus de Byzance
( 4 ) .
Toutefois, à part l e nom de
Mar Apas , et son surnom de
Catina
qui en sy–
riaque a le sens de « subtil
( 5 ) ,
»
nous ne savons
absolument rien de l a vie de ce personnage. L e
titre de
Mar
qui veut dire également dans le
même idiome « seigneur » et qui correspond
(1)
Œuvres àe
saint Jérôme, t. IV, p. 732,
e.
(
édit. de
Paris, 1579).
(2)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.
t
liv. I , ch.
8, 9,
11,14, 18;
liv. I I , ch.
9.
(3)
Édit. arménienne de M. Mihrtad ( Constantinople,
1851),
p. 1; et trad. russe de M. Patcanian (Saint-Pé–
tersbourg, 1862), p. 1.
(4)
Faustus de Byzance,
Hist. d'Arménie,
liv. IV,
ch. 14 (éd. de Venise, 1832), p. 115. — Cf. aussi Saint-
Martin,
Mémoires sur l'Arménie, t.
I, p. 51.
(5)
Quatremère, dans le
Journal des Savants
(1850),
p. 364-365, ne fait que répéter l'étymologie donnée par
Lacroze, d'après saint Jérôme.
Fonds A.R.A.M