levant
I N T R O D U C T I O N .
l
au rang de capitale de cet état demi-sy–
r i en , demi-arménien, sur le trône duquel on vit
monter tour à tour des princes syriens et des rois
arméniens d'origine arsacide, devint presque en
même temps le centre d'un mouvement littéraire
très-remarquable et le siège d'une' école Célè–
bre ( i ) qui eut une influence considérable sur la
formation et les développements de la littérature
chrétienne de l'Arménie.
Les Arméniens, dans les siècles qui précédèrent
l'introduction du christianisme dans leur patrie ,
n'avaient qu'une littérature relativement très-
restreinte , et on ne trouve nulle part, dans leurs
écrivains, qu'ils aient cultivé avec éclat les lettres
et les sciences. Tout ce que nous savons à cet
égard, c 'est que les Arméniens avaient des chants
populaires conservés par tradition, et dont Moïse
de Khorène a recueilli quelques fragments dans
son Histoire
(2).
L e même écrivain fait obser–
ver, en outre, que ses compatriotes montrèrent
toujours une grande indifférence pour les œuvres
de l'esprit, et qu'ils ne cherchèrent jamais à
connaître l'histoire de leur passé (3). I l blâme à
plusieurs reprises cette conduite, et exprime le
regret de voir une nation, célèbre par son anti–
quité , illustrée par la valeur et l'héroïsme de ses
chefs, privée ainsi, par sa faute, d'une collection
d'annales dont l'absence est irréparable
(4).
I l est difficile, en effet, de s'expliquer comment
il a pu se faire que la nation arménienne soit
restée ainsi en arrière du degré de civilisation et
au-dessous du niveau intellectuel atteints par les
peuples de son entourage. Toutefois nous savons
que l'une des raisons principales invoquées par
la Chronique de Denys de Thelmahr (
Dionys.
Thelma-
harensis chronici lib.I)
;
éd. Tullberg (Upsal, 1850). —
Assemani,
Biblioth. orient,
1.1,
p. 417 et suiv.—
Moïse de Khorène,
Hist d'Arm.,
liv. II, ch. 24 et suiv.
Ma
Numismatique de VArménie dans Vantiquité,
p. 48 et suiv.*, p. 55 et suiv.
(1)
Allemand Lavigerie,
l'École chrétienne d'Edesse,
ch. I, p 17 et suiv.
(2)
Liv. I, ch. 10
et passim.
Emin,
Vebk
;
Études
sur les chants populaires de Vancienne Arménie;
en
arménien (Moscou, 1850). —
J o u r n a l asiatique
(1852);
Étude sur les chants historiques de Vancienne Armé–
nie. — Revue des Deux-Mondes
(15
avril 1852);
les
Chants populaires de Vancienne Arménie.
(3)
Moïse de Khorène,
Hist d'Arménie,
liv. I, oh. 3
et 21.
(4)
Moïse de Khorène,
Hist d'Arménie
liv. I , ch. 1
et 3.
les Arméniens, pour excuser leur indifférence en
matière littéraire, c'est qu'ils ne possédaient pas
de caractères alphabétiques qui leur fussent p r o –
pres
(1)
et qu'ils étaient obligés d'avoir recours à
ceux des Perses, des Syriens et des Grecs
(2) .
Moïse de Khorène, qui rapporte cette circons–
tance , ne trouve pas cette excuse suffisante, et
ses reproches envers ses compatriotes s'exhalent
en plaintes amères (3). Quo i qu'il en soit, i l p a –
raît probable que l'absence ou l'insuffisance de ca –
ractères alphabétiques fut pour beaucoup dans
les retards apportés au développement de la cu l –
ture des lettres chez les Arméniens. Aussi, quand
le christianisme eut pris des racines solides dans
leur pays, les prêtres, qui représentaient la pa r –
tie savante de la population, conçurent le projet
d'inventer un alphabet approprié à l'idiome ar–
ménien , et, dès le quatrième siècle de notre ère,
nous voyons l a race d'Haïg en possession des ca –
ractères alphabétiques dont l'introduction en Ar –
ménie est attribuée , à ce qu'il paraît, à saint Mes–
rob
(4)«
A partir de cette époque, une école se
forma, en vue de faire passer tous les chefs-d'œu–
vre des littératures grecque et syriaque dans l ' i –
diome national (5). Le s livres sacrés furent tra–
duits
16)
,
et durant plusieurs siècles l'école des
saints traducteurs, c'est ainsi qu'on a coutume de
la désigner, travailla sans relâche à doter l ' A r -
(1)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arménie,
liv. I , ch. 3.
(2)
Diodore de Sicile, liv. XIX, § 13.
Polyen, liv. IV,
ch. 8, § 3. — Zénob de Glag,
Hist de Daron;en
armén.,
p. 27 et suiv. — Lazare de Pharbe,
Hist. d'Armén.,
en
armén., p. 27.
Gorioun,
Biographie de saint Mesrob,
en armén., p. 9.
Moïse de Khorène,
Hist d'Armé–
nie,^.
III, ch. 54.
Cf. aussi les légendes des médailles
des Arsacides, dans notre
Numismatique de l'Arménie
dans l'antiquité,
p. 23 et suiv.
(3)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arménie,
liv. I , ch. 1
à 3.
"
p^
(4)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arménie,
liv. I I I ,
ch. 52-54. — Vartan,
Hist. univers.,
en armén., ch. 25.
Assoghig,
Hist. univers.,
en armén., 2
e
part. ch. I .
Cf. Emin, Moï.-e de Khorène, trad. russe, p. 361 et
suiv.,
et Revue d'Orient
(1865),
de l'Alphabet armé'
nien,
trad. du russe.
(5)
Suidas de Somal,
Quadro délie ope,re di vari au-
tori, anticamente tradotte in armeno,
p. 7-29 (Venise,
1825).
(6)
Dans l'origine de l'établissement du christianisme
en Arménie, le clergé ne se servait que de bibles syria–
ques. — Cf. Lazare de Pharbe,
Histoire d'Arménie
p. 25-26.
Saint-Martin,
Mémoires sur l'Arménie,
1.1,
p. 11-12.
Fonds A.R.A.M