D I S COUR S PRÉLIMINAIRE.
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de science et de philosophie-, et négligèrent de parti pris tout ce qui était litté–
rature proprement dite, histoire, grammaire, etc.
Ce fut seulement à l'époque des Abbassides et par suite de la présence des
médecins syriens à la cour des khalifes, que le goût des sciences de la Grèce
s'empara des Arabes. Abou-Djafar Al-Mansor, fondateur de Bagdad, attira dans
cette ville des savants, et se plaisait lui-même dans l'étude de la philosophie
et de l'astronomie
*(
i).
D'autres khalifes, comme Haroun Al -Raschid , A l -Ma -
moun, Al -Watek ,Bi l l ah, AI-Motawakel, etc., favorisèrent de tout leur pouvoir
les études littéraires, encouragèrent les savants et les admirent dans leur
intimité (2). Al-Mamoun montra surtout un goût très-prononcé pour les études
helléniques, en ordonnant de traduire en arabe les principaux ouvrages de
science écrits en grec. Mais, chez les Arabes comme chez les Persans, les t ra –
ductions des livres grecs furent faites de seconde main sur des versions sy –
riaques, par les Nestoriens (3). Aussi faut-il considérer comme une légende le
fait de l'incendie des livres grecs originaux, ordonné par Al -Mamoun, comme
n'étant plus utiles, depuis qu'il en possédait des versions dans sa langue ( 4 ) .
Les khalifes , en encourageant ainsi les traductions des livres grecs et no –
tamment des ouvrages de philosophie, de médecine, d'astronomie et de ma –
thématiques, ont rendu à la littérature hellénique un immense service. Beau–
coup de ces ouvrages, dont les textes originaux sont aujourd'hui perdus, nous
ont été conservés dans les versions arabes. On doit regretter toutefois que les
musulmans aient complètement laissé de côté les ouvrages littéraires et histori–
ques des Gr e c s , et que la poésie des Hellènes n'ait pas trouvé chez les Arabes
un seul interprète ï
Malgré l'immense service que les Syriens et les Arabes ont rendu à la science,
en nous transmettant des versions de beaucoup d'ouvrages grecs, on doit dire
cependant que leurs traductions sont loin, pour la plupart, de reproduire tou–
jours fidèlement le sens exact et précis des textes originaux. On comprend au
surplus que des traductions arabes, faites de seconde main sur des versions syr i a –
ques des textes grecs, ont dû, en passant par différentes transformations, subir
de graves altérations qui en ont dénaturé le sens primitif. L a
Table de Cébès,
traduite en arabe, présente en effet une foule de contre-sens qui dénotent, de
la part des interprètes syro-arabes, un manque d'expérience dans la connais–
sance du grec et une ignorance complète de tout ce qui concernait la mythologie
hellénique (5) .
I l ne faudrait pas croire que ce furent seulement des Syriens qui se livrè–
rent exclusivement au pénible labeur des traductions des livres grecs dans l ' i –
diome arabe. Nous connaissons aujourd'hui les noms d'une foule de musul -
(1)
Aboulpharadj,
Hist. dynast.,
p. 246 du texte, et 160 de la vers. lat.
(2)
El-Maçin,
Hist. Sarrac,
liv. I I , ch. 3, p. 401.
(3)
Renan,
De philos, perip. apud Syros,
§ 8. — Le même,
Hist. des lang. sémit.,
p. 265.
(4)
Brucker,
Hist. crit. philos.,
t. I I I , p. 38.
(5)
Wenrich,
op. cit.,
p. 39.
Fonds A.R.A.M