DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
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compagnons, dans le style arménien furent généralement peu goûtées, car i l se
plaint du peu de cas que ses nationaux font de la science des traducteurs et du
dédain qu'ils affectent pour leur érudition ( i ) .
Bien que le cinquième siècle soit par excellence l'âge d'or des traducteurs,
cependant les Arméniens ne semblent pas avoir complètement abandonné,
dans les siècles qui suivirent, la tradition des versions des livres grecs. Après
un intervalle d'un siècle, nous trouvons Sarki s , qui traduisit les œuvres de
Julien d'Halicarnasse (2) ; le vartabed Philon / auquel on doit la version de l'His–
toire ecclésiastique de Socrate, qu'il continua jusqu'au temps du patrice Nersès
Gamsaragan, gouverneur de l'Arménie (3). Au huitième siècle, on cite Etienne
de Siounie, auteur de versions nombreuses des Pères grecs et qui s'était per–
fectionné dans ses études, à Constantinople, ou i l avait longtemps résidé (4).
Enfin au onzième siècle, le prince Grégoire Magistros, investi du titre de duc
de l a Mésopotamie par les Grecs , et qui traduisit sur les textes originaux les
éléments d'Euclide, le Timée et le Phédon de Platon ( 5 ) .
L e goût des traductions s'est du reste transmis de siècle en siècle chez les
Arméniens, et c'est aujourd'hui la célèbre congrégation mékhitariste de Saint-
Lazare de Venise, érigée en Académie arménienne, qui s'est imposé la tâche
glorieuse de continuer la tradition des anciens interprètes, en rendant à l'idiome
national le caractère vraiment littéraire dont i l s'était écarté à partir du sixième
siècle.
Les livres religieux et liturgiques, les œuvres des Pères des églises d'Orient,
constituent l'ensemble principal du travail des anciens traducteurs (6) ; cepen–
dant les Arméniens ne négligèrent pas non plus les ouvrages scientifiques et
profanes, et on trouve dans leur littérature des versions des livres de mathéma–
tiques et de philosophie des Grecs ( 7 ) . I l paraît même qu'ils traduisirent Ho –
mère, car la Bibliothèque impériale de Paris possède un vocabulairepour servir à
l'intelligence du texte de l'Iliade.On connaît aussi un fragment, malheureusement
très-court, de la tragédie des Péliades d'Euripide, qui est perdue en grec ( 8 ) .
On sait encore que les Arméniens avaient traduit les comédies de Ménandre,
notamment les TSittTpsirovTeç, mentionnées dans les Prolégomènes aux Catégories
d'Aristote, de David le philosophe (9).
I l serait peut-être téméraire d'affirmer, comme le prétendent certains criti-
(1)
Moïse de Khorène,
Hist. d*Arm.,\vr.
I , ch. 2 et 3.
(2)
Sukias de Somal,
Quadro délie opère
.....
p. 40.
-
(3)
Tchamitch,
Hist. d'Arm.
(
en arm.) t. I I , p. 375.
(4)
Tchamitch,
op. cit.,
t . I I , p. 399.
(5)
Grégoire Magistros,
Correspondance
(
en arm.), lettre 46 .— Sukias de Somal,
Quadro délia
storia
p. 70, 71. — Le même,
Quadro délie opère
p. 33. .
(6)
Sukias de Somal,
Quadro délie opère
passim.
—
Le
Pazmaveb,
1861,
p. 159, 191 et suiv.,
224,293; 1862,
p. 32, 128.
(7)
Sukias de Somal,
Quadro délie opère
passim.
(8)
Moïse de Khorène,
Rhétorique
(
Venise, 1843), en arm., p. 383 et suiv.
(9)
Neumann,
David le philosophe,
p. 54 du tirage à part, extrait du
Journal asiatique,
1829.
Mé–
nandre (de la collection Didot) p. 18.
Fonds A.R.A.M