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D I S COURS PRÉLIMINAIRE.
lecteur, le philosophe David l'invincible, le patriarche K i u d , Jean Mantagouni,
les historiens Elisée et Lazare de Pharbe , et le rhéteur Ezdras d'Ankegh. En f i n ,
on peut ranger parmi ces traducteurs, sans pouvoir leur assigner une époque
précise, Sahag, Jean, Abraham ou Abe l , Ananias, Jonathan, Kha t chi g , An*-
dréas, Thothoul et Varos ( i ) .
L a plupart des traducteurs de la seconde classe, qui avaient longtemps ré–
sidé dans les villes grecques, s'étaient pénétrés des beautés de l a langue et de
la littérature helléniques. Ils voulurent faire profiter leur idiome national des
avantages qu'ils avaient retirés de l'hellénisme, en traduisant, non-seulement
des livres religieux et liturgiques, mais encore des ouvrages profanes. Leur i n –
telligence et leur goût s'étaient développés d'une manière remarquable sous
l'influence d'une langue bien formée et d'une brillante littérature .«C'est ce qui
explique comment, dans les traductions faites au cinquième siècle, et dans les
ouvrages originaux.composés à la même époque, on ressent l'influence du
génie grec. Aus s i , les traducteurs arméniens produisirent-ils une véritable ré–
volution linguistique dans l'idiome national, qui acquit une plus grande préci–
sion et subit des transformations remarquables.
L'examen approfondi des textes a démontré que l'hellénisme, ou pour mieux
dire, l'initiation des Arméniens à la science des lettres grecques, se fit sentir
de trois manières différentes chez les écrivains de ce siècle. Ainsi Moïse de
Khorène, K i ud et David l'invincible ont adopté chacun uneméthode différente
dans l'usage qu'ils ont fait de leurs connaissances helléniques, et c'est ce qui a
fait partager ces chefs d'école et leurs disciples en trois groupes distincts :
i °
Le s traducteurs dont le style est arménien, mais dont les expressions sont
prises avec une acception adaptée au génie de la langue grecque ; 2° ceux qui
emploient des tournures grecques, et rendent ainsi leur style difficile à saisir
de prime abord ; 3° enfin ceux qui emploient également des tournures propres
au génie delà langue hellénique, et ont aussi adopté la syntaxe grecque ( 2 ) .
Quelques-uns des savants qui firent leur éducation littéraire enGrèce, étaient
revenus dans leur patrie, tellement enthousiastes du style grec, qu'ils voulu–
rent même appliquer les règles de la Grammaire de Denys de Thrace à la langue
arménienne, de sorte que nous trouvons dans l a traduction de cet ouvrage des
mots composés, de véritables néologismes, complètement étrangers aux règles
grammaticales de l'arménien et
à
ses conjugaisons (3) .
On ignore si les modifications et les changements introduits dans la langue
arménienne par les traducteurs, furent accueillis avec faveur par leurs con –
temporains ; mais ce que l'on sait, c'est que ce style tout nouveau, sans unifor–
mité, et qui n'était pas compris par les masses, fut rejeté d'assez bonne heure ,
car i l disparaît complètement après le siècle des traducteurs. Au surplus, Moïse
de Khorène nous donne à penser que les innovations introduites par lui et ses
(1)
karékin,
Hist. de la litt. arm.,
p. 192 et suiv.
(2)
Karékin, op.
cit.,
et suiv. p. 179,
(3)
Chahan de Cirbied,
Gramm. de Denys de Thrace,
textes grec et arm. avec trad. franc. (Paris. 1830.)
Fonds A.R.A.M