L E PSEUDO-AGATHANGE.
H I S T O I R E A N C I E N N E DE L ' A RMÉN I E .
Sébéos, évéque de la satrapie des Mamigoniens,
qui florissait au septième siècle de notre ère, a rap–
porté au commencement de son
Histoire de Vempe–
reur Héraclius
(
i ) un passage assez étendu composé,
à ce qu'il prétend, par Âgathange, secrétaire et
biographe du ro i Tiridate. Ce fragmenthistorique
contient l'histoire de l'Arménie depuis les origines
jusqu'au règne de Bab, qui mourut soixante-trois
ans après que Tiridate eut cessé d'exister. I l est
donc constant que l'auteur de cette composition
historique ne peut être Âgathange. Toutefois,
comme ce document
renferme
des détails com–
plètement neufs sur quelques points de l'histoire
d'Arménie que Moïse de Khorêne ne nous a pas
transmis, nous n'avons pas hésité à le publier,
parce qu'il est évident que l'auteur a puisé ses
renseignements à des sources aujourd'hui per–
dues , et qui complètent les informations recueil–
lies par Moïse de Khorêne dans le livre de Mar
Apas Catina.
EXTRAIT DE L'HISTOIRE D'HÉRACLIUS
PAR SÉBÉOS.
Traduction de Varménien.)
L I V R E
I .
Ce n'est pas de mon propre mouvement (2)
que j ' a i entrepris de décrire avec soin l'époque
des anciens héros, et de retracer leur histoire',
(1)
Constantinople, 1851, édition de M. Thaddée
Mihrtad Mihrtadiantz,
p.
1
à 14. — Cette édition a été
(
faite sur le seul manuscrit de Sébéos connu jusqu'à pré–
sent, et qui appartient à la bibliothèque
d
'
Edchmiadzin.
M. Brosset avait signalé, en 1848,
l
'
existence de ce ma–
nuscrit dans ses « Rapports sur un voyage en Géorgie
et en Arménie, » ( 3
e
Rapport, p. 45 et suiv. ).
Le
Cata–
logue imprimé de la bibliothèque
d
'
Edchmiadzin ( Tiflis,
1863,
in-4°, en arménien ) mentionne cet important ou–
vrage sous le n° 1746,
p.
192.
Le P.
Chakhatounoff,
dans sa « Description
d
'
Edchmiadzin » ( en arménien ),
t. I I ,
a
parlé aussi à plusieurs reprises de
l
'
Histoire de
l
'
empereur Héraclius, par Sébéos.
(2)
Déjà, dans lapréface attribuée à Agathange,
l
'
auteur
insiste sur ce point, en disant que
c
'
est en vertu de
l
'
or–
dre du roi Tiridate, qu
'
il a
entrepris d'écrire
l
'
histoire
des
événements qui amenèrent le triomphe de la foi
chrétienne en Arménie. —C f . plus haut, p. 191, § 172.
193
en mentionnant également les temps fabuleux.
Dans ce livre, je vais faire également le récit de
ce qui arriva dans la suite, et je le comparerai
aux misères du temps présent, en comptant les
années et les jours des cinq rois. Pour cela,
j'examinerai dans le livre de Marappas (Mar
Apas Catina)
(
i
) ,
l e philosophe de Medzourkh (2),
l'inscription qu'il découvrit dans la ville de
Medzpin (Nisibe), résidence du ro i Sana-
droug (3), en face des portes de son palais, ins–
cription tracée sur une pierre ensevelie sous les
décombres de l'habitation royale. Lorsque les
colonnes (4) qui ornaient ce palais furent deman–
dées pour la Porte du r o i des Perses, on trouva
aussitôt, en fouillant les ruines pour les découvrir,
une inscription en lettres grecques, gravée sur
une pierre : c'étaient les j ours et les années des
(1)
Cf. plus haut, p. 13 et suiv., le long fragment
de l'«Histoire ancienne de l'Arménie », de Mar Apas Ca –
tina, que nous a conservé Moïse de Khorêne.
(2)
Cf. plus haut, p. 10, et note 6.
(3)
A la mort d'Abgar Ouchama arrivée l'an 32 après
J . - C , le royaume d'Arménie fut partagé en deux par–
ties : Ananoun, fils d'Abgar, régna à Édesse, et Sanadroug
hérita d'une partie de l'Arménie et de l'Adiabène. En 36,
Sanadroug lit périr le fils d'Abgar et régna seul ( Moïse de
Khorêne, I I , 35 ). C'est ce prince qui est appelé Izate par
Josephe(Antiq.jud.,
liv. XVIII,ch. 9 ; XX, 3). Moïse de
Khorêne ( I I , 36) dit qu'en effet Sanadroug releva la
ville de Medzpin (Nisibe) détruite par un tremblement
de terre, et qu'il dépensa pour la reconstruction de cette
ville tous ses trésors. Ce prince mourut d'une façon
tragique à l'âge de trente ans, à ce que raconte l'His–
toire de Léroubna, auteur dont le livre est perdu et dont
Moïse de Khorêne a emprunté quelques chapitres rela–
tifs aux règnes d'Abgar et de Sanadroug (
Hist: d'Arm.,
liv. I I , ch. 26 à 37).
(4)
Nisibe, située dans la partie septentrionale la plus
fertile de la Mésopotamie, à deux journées du Tigre,
sur le Mygdonius, au pied du mont Masius, répondait,
selon S. Jérôme (
Quxst. in Gènes.,
c. I I , v. 10, t. I I I ,
p. 320,
éd.
Vallars.), à l'Achad de la Genèse, ville bâ–
tie, par Nemrod, en même temps que Babylone et Édesse.
Nisibe, en phénicien, veut dire « colonnes » ou « monceau
de pierres ». Le premier sens est donné par Philon,
écrivain cité dans Etienne de Byzance, et le second par
Uranius, mentionné par le même auteur. Ces deux inter–
prétations sont confirmées par les langues hébraïque et sy–
riaque et par tous les idiomes de même origine.
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Fonds A.R.A.M