19/
i
nos
i
A G A T H A N G E .
infortunes. E n effet, quelques hommes per–
vers, à l'instigation de Sapor (Schapouh), conçu-
nent le projet de tuer Tiridate, et de rétablir de
nouveau le paganisme en Arménie. Parmi les
conjurés se trouvait le chambellan ( sénégabed )
du r o i , imitant en cela l'exemple du traître Judas.
D'ailleurs le roi ignorait le nom et le nombre
des conjurés ; c'est pourquo i , ayant mandé en sa
présence le chambellan, i l voulut savoir de lui si
une semblable conjuration existait dans le palais.
L e chambellan, à cette communication du r o i , se
troubla et fut saisi de frayeur; i l déclara n'avoir
connaissance de rien de semblable. Aussitôt après
son entrevue avec le r o i , i l alla trouver, encore
plein d'épouvante, ses complices. Ce u x - c i , ef–
frayés , promirent d'abandonner le projet impie
qu'ils avaient conçu, et, à sa prière, ils feignirent
tous par crainte d'y renoncer. Cependant le r o i ,
persistant dans ses soupçons, et mettant son es–
poir et sa vie entre les mains de D i e u , se retira
du côté de l'occident, dans le canton d'Eghé-
ghiatz, en feignant d'ignorer complètement cette
conspiration. Parmi les conjurés, dont le nombre
"
était considérable, il s'en trouva quelques-uns,
comme les nobles de la contrée de Siounik, qui,
désirant assurer la tranquillité de leurs domai–
nes, secondaient les vues de Sapor avec plus de
zèle que les autres, et vinrent rejoindre le r o i .
Comme ils se trouvaient auprès de Tiridate pen–
dant une chasse aux bêtes fauves, ils profitèrent
de cette
occasion
pour lui décocher un trait,
lancé comme par l'effet du hasard. Alors le roi
rentra dans son palais et se coucha, légèrement
blessé. Alors le chambellan, qui était au nombre
des conjurés, s'approcha du roi afin de panser sa
blessure ; et, jugeant qu'elle n'était point ir.ortelle,
il lui donna du poison. Tiridate expira sur-le-
champ. Ce fait fut révélé dans l a suite par les com–
plices mêmes du coupable.
L e corps du ro i fut transporté à Thortan, placé
dans u n cercueil garni d'argent, et orné d'étoffes
précieuses; i l était traîné par des mulets dont les
harnais étaient d'or. Des cohortes de soldats a r –
més , portant des étendards, l'escortaient à droite
et à gauche. E n avant du cercueil, on chantait des
hymnes funèbres et on faisait brûler des parfums.
Après, marchaient sur deux files les amis, les fa–
miliers, les parents; plusieurs des fils [du roi]
suivaient à pied le cortège. Derrière le cercueil,
les trompettes et les harpes faisaient entendre des
sons funèbres qu'accompagnaient de leurs chants
des femmes éplorées ; sans compter une masse
considérable de peuple qui fermait la marche. Dès
que le cortège fut arrivé à l'endroit désigné pour
la sépulture, on éleva un tombeau monumental
en marbre b l anc , et là on déposa ce trésor pré–
cieux, cette victime pure, cette illustre dépouille,
ce bienfaiteur du pays. On couvrit le cercueil de
cristal et on inhuma [le corps du r o i l à l'endroit
désigné sous le nom de « délassement du grand
Grégoire [l'Illuminateur] », qu'il avait entouré
lui-même d'une muraille et qu'il appelait son «jar–
din ». On établit pour règle dès lors de célébrer
chaque année [en cet endroit] l'anniversaire de
la mort du roi ; et après avoir confié à l'évêque du
village le soin d'accomplir cette fête, on s'en r e –
tourna. Telle fut l a fin de Tiridate qui, après un
règne de soixante-quinze ans , fendit son âme au
Père, au Fils et au Saint-Esprit.
NOTE A DD I T I ONN E L L E .
J'ai reçu»dernièrement de M. Brosset, membre
de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg,
l'inventaire traduit par lui des manuscrits géor–
giens conservés au monastère d'Ivéron, au mont
Athos, dont j ' a i donné u n court résumé dans
l'Introduction de la Géographie de Ptolémée
(
i ) .
E n faisant une étude plus approfondie des ma –
tières contenues dans cet inventaire dressé en
i 836 par un prêtre géorgien, le P . Hi l ar i on ,
j ' a i découvert qu'il existait, dans un volumineux
martyrologe, une traduction en langue géor–
gienne de l'Histoire d'Agathange, Ce curieux
(1)
Cf. pag. 105 de l'Introduction qui précède la re–
production en photolithographie du msc. de la Géographie
document, dont on ignorait jusqu'à présent
l'existence, forme le § i 5 des pièces contenues
dans le manuscrit en question. Cette traduction
commence ainsi : « Vie du saint prêtre Grégoire,
évêque d'Arménie. — Lorsque l'empire des P e r –
ses était divisé
» .
Ces derniers mots sont
précisément le début de l'Histoire d'Agathange,
en arménien, ce qui est pour nous la preuve que
l a version géorgienne de la « Vie de Grégoire » a
été faite directement, comme la version grecque,
sur le texte arménien qui nous est parvenu.
dé Ptolémée, appartenant au monastère de Vatopédi, au
mont Athos (Paris, A. Firmin Didot, 1867, in folio).
Fonds A.R.A.M