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D I SCOURS PRÉLIMINAIRE.
temps déjà, parce que leur emploi était difficile et qu'ils ne suffisaient pas à
exprimer tous les sons de l a langue
(
i ) .
Moïse de Khorène complète ces r e n –
seignements en disant que les lettres furent disposées selon Tordre de l ' a i -
phabet grec ( 2 ) .
De tous ces récits i l résulte que Mesrob n'inventa pas l'ensemble des c a –
ractères arméniens * comme le croient certains écrivains nationaux ( 3 ) , mais
qu'il compléta l'alphabet
daniêlien
au moyen des consonnes et des voyelles qui
manquaient, pour exprimer tous les sons de la langue et faciliter l'épellation des
mots (4) . L a découverte de Mesrob se trouve donc réduite maintenant à sa
véritable valeur, et on sait du reste que l'introduction des voyelles grecques
dans Pécriture syriaque, attribuée à Théophile d'Edesse, au huitième siècle ( 5 ) ,
a été amenée par une nécessité analogue à celle qui engagea Mesrob à em–
ployer ces mêmes voyelles, pour faciliter l'épellation des syllabes et l a lecture
des mots du langage arménien.
Par tout ce qui précède, on voit que les Arméniens avaient subi, d'assez
bonne heure , l'ascendant exercé sur leur idiome par leur contact avec les S y –
riens et les Grecs. Leurs plus anciennes traductions portent l'empreinte de l ' i n –
fluence syriaque et hellénique, et la conséquence linguistique de ces relations
mutuelles fut l'introduction d'un certain nombre de mots grecs et syriaques
dans l'arménien (6) .
Nous allons étudier maintenant le rôle prépondérant de l'hellénisme et l ' ac –
tion décisive que la langue grecque exerça dans tout l 'Or i ent , mais surtout en
Syrie et en Arménie, durant les premiers siècles de l'ère chrétienne.
De toutes les langues parlées dans l'antiquité, le grec est assurément celle
qui a été la plus répandue sur l a surface du vieux monde. Cet idiome ,
qui prit naissance dans la Grèce proprement dite, s'étendit peu à peu sur les
contrées du voisinage, gagna la Thessalie, l a Macédoine, les points occupés
par les colonies grecques de l'Asie-Mineure, et finit bientôt par envahir une
notable partie de l'Asie occidentale.
L a prépondérance de l a langue grecque ne s'exerça pas seulement sur les
idiomes avec lesquels elle se trouva en contact immédiat, elle parvint même à
en faire oublier quelques-uns, comme ceux qui étaient originairement 'parlés
dans la Thrace et dans la Thessalie. Dans les contrées où la langue grecque
(1)
Gorioun,
Biographie de Mesrob.
(2)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
liv. I I I , ch. 53.
(3)
Nersès Schnorhali,
Histoire rimée
,
dans les œuvres complètes de
cet
auteur; en
arm.
(
Venise,
1830),
p. 533 et suiv.
(4)
Le P. Karékin, dans son
Histoire de la littérature arménienne,
p. 8 et suiv., est entré dans les
détails les plus minutieux sur la question de l'invention des caractères arméniens. Nous avons exac–
tement suivi son système, tout en tenant compte des renseignements précieux que M. Emin a donnés
sur le même sujet, dans une des notes de son édition russe de Moïse de Khorène, p. 361 et suiv.
(5)
Renan,
Hist. des lang. sémiL,
p. 299.
Cf. à ce sujet Michaélis,
Gramm. syr.,
§ 7.— Assemani,
Biblioth. orient.,
1.1,
p. 64 et 521 ;
t.
I I I , part. 2, p. 378.
(6)
Bœtticher,
Suppl. lex. aram.,
cf.
Zeitschrift der Deutschen Morgenl. Gesellschaft
,
t . V I I I ,
p. 324. — Renan,
Hist. des lang. sémit.,
p. 287.
Fonds A.R.A.M