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AGATHANGE .
ensuite (S. Grégoire,,l'Uluminateur;, comme pas–
teur de l'Église, et ils jouirent de sa doctrine.
Lorsque Tiridate retourna au pays des Romains,
au temps du pieux Constantin, empereur (roi) des
Grecs et des Romains, il entra avec lui en relations
de foi, revint avec de riches présents, au comble
de l'allégresse, et consacra à Dieu beaucoup
de temples. Nous raconterons toutes ces circon–
stances avec ordre et en détail ; nous donnerons
la doctrine du saint, qui fut trouvé digne d'être
élevé au siège épiscopal, d'avoir le titre de pa–
triarche, lui , le grand défenseur de la vertu.
Nous dirons aussi ce qu'il était, de qui il fut fils,
et comment il avait mérité de faire le bien
qu'il avait reçu par la grâce de Dieu. Je mon–
terai donc le coursier de l'esprit, je par–
courrai le champ de l'intelligence, je viserai au
but de la pensée, je voguerai avec le bras de la
mémoire et je m'avancerai bravement avec le
calam
(1).
J'exprimerai par mes paroles mes
pensées, et je ferai sortir de mes lèvres les vérités
de la science. Puis, me dirigeant avec force, je
tournerai rapidement la roue de ces narrations
1
historiques, et, de bon cœur, je naviguerai sur
les eaux de la mer des âges. Car, ayant consulté
les documents écrits de ma patrie, il faut que je
dise par ordre comment fut prêché l'Évangile du
Verbe de vie donné par Dieu à la race de Thor-
gom (2) dans l'Arménie ; comment et par qui les
Arméniens l'ont reçu, et quel est celui qui ap–
parut comblé des grâces divines. Quelle fut aussi
la lumineuse doctrine et la vie angélique, remplie
de vertu, d'une noble patience et de la grâce du
(1)
Le roseau taillé dont les Orientaux se servent pour
écrire.
(2)
Selon les traditions arméniennes, Thorgom, père de
Haïg, premier patriarche de l'Arménie, serait le même
que Thaglath (Moïse de Khorêne,
Hist. d'Arm.,
liv. I,
ch. 9). Les historiens arméniens «tonnent souvent à la
nation arménienne l'épithète de « race de Thorgom».
très-fort champion, du confesseur du Christ et du
martyr de la vérité; et combien Dieu accorda
de prospérité, de paix, d'abondance, de fertilité
et de santé, grâce à ses prières. Comment, par
son
amour pour Dieu et par la force que le Christ
lui avait accordée, les vains cultes tombèrent et
se brisèrent, et la religion divine se répandit sur
toute l'Arménie. Comment, ayant construit des
églises dans tout le pays, ayant démoli les temples
de la vanité, dans lesquels se trouvaient accu–
mulées les erreurs de la fausse religion des an–
ciens; l'inutile adoration des pierres et du bois;
la stupide invocation des fantômes, lorsqu'ils
étaient ivres de
mensonge et
des impuretés de
l'idolâtrie, et que, semblables à la lie, ils tom–
baient dans les abîmes de l'Océan du mal. C'est
alors que le juste S. Grégoire, étant devenu le pré–
dicateur et le maître de toute l'Arménie, enseigna
à né* pas s'arrêter dans les sentiers des péchés de
ce monde semblable à la mer, et qu'étant entré
dans le port sûr et tranquille de la vie du Père,
il y prépara leur demeure.
Or, nous, ayant traversé d'un vol rapide les
tourbillons profonds, les ondes immenses tou–
jours agitées, qui coulent avec la fureur de tor–
rents déchaînés ; ayant parcouru les cités, les îles
et les pays lointains; ayant trouvé des marchan–
dises en grande quantité et des objets d'un
grand prix, très-ornés et procurant d'immenses
bénéfices, nous les avons apportés au lieu sûr de '
votre profit. Hâtons-nous d'ouvrir les dépôts de
nos marchandises; vendons aux auditeurs le fruit
de nos pénibles recherches ; captivons leur atten–
tion et
offrons
notre histoire, surtout d'après
ton ordre, très-puissant Tiridate, roi de la Grande-
Arménie ! afin que la prospérité du pays, qui est
le produit de cette vente, et que le fruit de nos
fatigantes navigations, viennent s'ajouter à ton
trésor.
Fonds A.R.A.M