1 0 6
A G A T H A N G E .
et merveilleuses découvertes, ils font avancer la
civilisation. Ils pourvoient aux besoins de l'hu–
manité par un bien-être nécessaire ; ils nourris–
sent beaucoup de monde ; ils garnissent les maisons
des médecins d'aromates odorants et de racines
efficaces ; ils donnent des vêtements aux gens né–
cessiteux, et de la célébrité aux provinces. I ls
mesurent la longueur de l'espace, eux qui sont
voyageurs dans l'univers ; ils apportent avec eux
la joie avec ses bienfaits. A d'autres, ils donnent
la force; au monde, la puissance; ils rassasient
ceux qui ont faim; ils désaltèrent ceux qui ont
soif, et ils comblent les riches de trésors. Cepen–
dant, sous le coup de la violence, ils parviennent
à se sauver de la détresse, et assurent aux autres
le bien-être. Leur industrie habituelle les rend
familiers et agréables. Ces voyages continuels au
moyen desquels on met à profit les sommes
les plus minimes, ils les augmentent à l'infini.
Pour cela, ils pénètrent avec ardeur dans la
vaste mer, non pas suivant leur volonté, mais
suivant l'impulsion du vent qu i , en soufflant, les
pousse et les repousse sur l'immensité des eaux, à
la recherche du gain, entre la vie et la mort.
I l est une nécessité analogue, plus grande
même encore, qui force l'homme à naviguer sur
la mer de la science ; car i l n'y a personne qui
puisse s'imposer un travail aussi fatiguant, s'il n'y
est sollicité par l'ordre impérieux d'un homme
tout-puissant. Et quel est donc celui qui se plaît
à mesurer la profondeur des abîmes de la mer ?
Dans ces longs voyages, on ne cherche qu'à se
procurer quelque profit. Ainsi, pour nous, ce n'est
pas une orgueilleuse résolution qui nous pousse
à entreprendre témérairement ce travail ; mais
nous sommes contraint malgré nous, par les
ordres formels
des
princes, à naviguer sur la
mer des lettres. Un ordre royal a forcé le pauvre
fonds de notre intelligence à payer l'impôt, à
consigner dans la forme historique les vicissitudes
arrivées de nos jours. A ceux qui viendront après
nous, nous laissons cependant l'immense travail
de confier avec ordre, à la mémoire, les événe–
ments accomplis dans le cours des siècles. Ce n'est
pas non plus de notre plein gré que nous nous
mettons à ce travail ( i ) , mais , ne pouvant pas
nous opposer à un commandement royal , nous
raconterons les choses de notre mieux.
(1)
C'est-à-dire de raconter les événements contempo–
rains.
Prêtons-nous donc à ce commerce des tradi–
tions, abordons le péril mortel, et présentons ln
série des événements politiques que nous avons
minutieusement recherchés et examinés, suivant
l'ordre des temps et conformément au comman–
dement que nous avons reçu. Quant à l'excellence
des événements spirituels qui sont les véritables
richesses de ceux qui aiment Di eu , nous les
offrons comme des perles précieuses, perles fines,
brillant d'une rare beauté, n'ayant n i taches ni
défauts dans leur pure blancheur, pour orner les
couronnes des monarques, ou bi en , comme les
perles précieuses de l'Inde, pour garnir le ban–
deau royal. Certes, elles ne sont pas trouvées faci–
lement même par les souverains; mais on les dé–
couvre avec beaucoup de dépenses, à la suite de
longs voyages et de grandes fatigues. Aussi la
splendeur des pierreries de ces hommes spirituels,
mises en vente par nous, n'orne pas seulement la
tête du roi en présence des autres, mais elle em–
bellit, elle élève, elle satisfait, elle console chacun
en particulier. Ces parures donnent aux princes
la majesté, comme le diadème de la couronne
aux bandeaux resplendissants; et en même temps
elles enrichissent le pauvre, elles le délivrent,
l'arrachent de son fumier, et le rendent illustre
à l'égal [des rois]. Elles comblent les nations de
bénédictions et l'année de douceur ( i ) ; elles
remplissent les indigents d'une céleste abondance ;
elles offrent le repos à ceux qui sont fatigués, et à
tous les maux un remède efficace; elles peuvent
guérir sans le secours des racines et des aro–
mates, donner aux villes la prospérité par les
faveurs du Seigneur, et obtenir par leurs prières
la grandeur de la nation. Ils indiquent le bonheur
de s'élever jusqu'à Di eu , par les voies célestes,
eux qui sont les voyageurs du royaume de Dieu.
Ce sont eux qui, pleins de zèle pour le Seigneur,
moururent et passèrent à la vraie vie, en léguant
au monde leurs noms et leurs mérites. I ls sont la
vie et le salut de ceux qui sont appauvris par le
péché ; ils sont les trésors cachés de la richesse
du roi céleste. Ils réjouissent par leur foi ceux
qui , comme Adam, ont perdu le vêtement de la
lumière. Ils rassasient ceux que le péché de l ' i –
gnorance a affamés, et ils désaltèrent ceux qui
ont soif à la coupe de la vérité. Ils présentent
en abondance le trésor céleste à ceux qui en ont
(1)
Psaume LXIX, v. 12.
Fonds A.R.A.M