MM
AGATHANGE.
H I S T O I R E
D U R È G N E
D E
T I R I D A T E
E T D E L A P R É D I C A T I O N D E S A I N T G R É G O I R E
L ' I L L U M I N A T E U R .
PRÉFACE ATTRIBUÉE A AGATHANGE ( I ) .
(
Traduction faite sur le texte arménien.)
L'ardent désir des navigateurs est d'arriver
heureusement au port ; c'est pourquoi ils s'effor–
cent, dans leur avidité pour les richesses et le
gain, de combattre les caprices des flots, des
tempêtes et des ouragans. Au moment propice,
ils se réunissent plusieurs, et, à force de rames,
ils dirigent ces coursiers de bois et de fer; ils
s'encouragent tour à tour, et, le cœur rempli d'in–
certitude et de crainte, ils marchent sur la plaine
d'azur, sans que leurs pieds fassent un mouve–
ment, et ils volent sur la surface des eaux agitées.
Les vagues furieuses se relèvent comme des mon–
tagnes, et puis s'abaissent peu à peu, comme
David le chante sur sa harpe : « Elles s'élèvent
et s'amoncellent; elles s'abaissent et s'aplanis–
sent (2). » Enfin, à l'abri de l'agitation des flots, ils
se hâtent d'arriver dans leur pays; là, ils racontent
à leurs proches, à leurs voisins, les vicissitudes
cruelles de leur voyage, leur ballottement conti–
nuel sur les flots inconstants, en vue de recueillir
quelque gain, car, eh exposant leur vie et en la
disputant à la mort, leur but est de s'enrichir.
Et, bien que les vagues soulevées par un vent
impétueux prennent diverses couleurs, semblables
aux agitations de la jeunesse; et que, blanches
d'écume, elles se repoussent pour s'avancer en-
(1)
Des sept manuscrits consultés par les PP. Mé-
khitaristes de Venise, deux seulement contiennent cette
prélace qu'ils ont placée en tête de leur édition d'Aga-
thange, publiée à Venise (en arm., 1835, in-18). On a émis
,
quelques doutes sur l'authenticité de cette préface; mais
nous devons faire observer toutefois que Zénob de Glag,
Moïse de Khorêne, Lazare de Pharbe et quelques autres
auteurs y font allusion. Le texte de cette préface a été
altéré en beaucoup d'endroits par les copistes, ce qui rend
le sens parfois difficile à saisir. Nous devons faire éga–
lement remarquer que la préface d'Agathange n'existe
pas dans la version grecque.
(2)
Psaume Cilf, v. 8.
suite sur le sable du rivage, cependant les ma–
telots, en arrivant au port, sourient de leur
frayeur.
Ceux-là aussi qui mesurent la profondeur de
l'abîme, tantôt uni, tantôt s'affaissant avec fracas,
tremblent devant le danger, en se voyant ainsi
suspendus sur les eaux; mais, en songeant à la
possibilité du succès, ils s'efforcent de résister à
la fureur de la mer en courroux, et se disent :
«
Quand nous serons de retour avec nos richesses,
nous montrerons avec joie à nos parents et à nos
voisins le prix de nos labeurs. » Ils veulent s'af–
franchir du nom de pauvres et délivrer les leurs
de la tyrannie des princes qui les accablent
d'impôts ; [ils veulent] leur donner de quoi satis–
faire leurs obligations et les débarrasser du
joug de la servitude ; enfin [ils veulent] devenir
les bienfaiteurs de leurs voisins, avoir un nom
respecté de leurs ennemis, et faire la joie de
tous ceux qui leur sont chers. Pour cela, ils dé–
clarent une guerre terrible à l'immensité de la
mer, en vue de trouver la sécurité de leur exis–
tence , lorsque, loin des abîmes écumants, ils se–
ront à l'abri dans le port. Contraints ainsi par le
danger de leur profonde misère, ils ont hâte de
satisfaire à la loi du devoir, peut-être pour ra–
cheter leurs personnes et s'exonérer de leurs
charges ; peut-être aussi se sont-ils endettés, et
veulent-ils obtenir un double gain, afin de dé–
sintéresser les exacteurs et de se procurer quelques
ressources.
I l s'en trouve aussi beaucoup qui, à cause de
semblables malheurs, s'adonnent à la profession
pénible du négoce. I l y en a qui emploient leurs
richesses au profit de leur pays, [ou bien] pour
orner la personne des rois de perles précieuses,
de pierreries et d'étoffes de diverses couleurs.
Ils sont aussi utiles aux pauvres et vendent à
bas prix les marchandises; et, avec de nouvelles
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Fonds A.R.A.M