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D I S COUR S PRÉLIMINAIRE.
ces chants démontrent c l a i r emen t qu ' i l s n ' ont été inspirés n i à des prêtres
païens, n i à des poëtes qu i aura i ent vécu sons l eur i nf l uence , e n vue d'être ré–
cités dans des fêtes religieuses ou en face des autels» A u c on t r a i r e , on reconnaît
de pr ime abord que ces chants sont l'œuvre de bardes na t i ona u x , ayan t u n
l i bre accès dans le palais des souvera ins et à l a cour de6 satrapes. C ' es t ce qu i
fait supposer que ces poëmes sont peut-être dus à des
ménestrels,
à l a solde des
rois et des nob l e s , et ayant p o u r emp l o i de célébrer l eur s ve r t us et l e u r s
prouesses.
B i e n que ces poëmes datent de l'époque où l e pagan i sme florissait en A r –
ménie , ils étaient encore chantés pa r le p e up l e , longt emps après que l e c h r i s –
tianisme eut jeté de profondes et solides r ac i ne s dans l e pa y s . L e fanatisme
religieux qu i présida à l'établissement de l a foi nouve l l e dans l es contrées de
PAr a r a t ( i ) ne put faire entièrement disparaître les traces du génie poétique
d ' un âge antérieur, et l ' h i s t or i en Moïse de Khorène , que l ' on considère a j u s t e
titre comme l'Hérodote de l'Arménie, après avo i r rapporté quelques ver s dé –
tachés de ces chants pr imi t i f s , ajoute qu ' i l s étaient encor e récités de s on t emps
pa r l es habitants du can t on de Koghtèn (2) . L e p r i nc e Grégoire Ma g i s t r o s ,
duc de l a Mésopotamie et l ' un des écrivains les p l us r ema rquab l e s du onzième
siècle, rapporte également une strophe d ' une ba l l ade an t i que , que les villageois
chantaient encore de s on t emps ( 3 ) .
L a foi religieuse est restée complètement étrangère, ainsi que nou s l ' avons
d i t , à l a compos i t i on des chants antiques de l'Arménie. L e s poëmes des v i eux
bardes du Koghtèn nous appara i s sent , dans l es r a r e s fragments qu i nous sont
pa r v enu s , comme des « chant s traditionnels et h i s t o r i que s , » et c'est ce n o m
que les écrivains arméniens des pr emi e r s siècles de not re ère emp l o i ent pou r
les désigner.
L e s critiques l es plus autorisés con j e c t ur en t , avec beaucoup de v r a i s em –
b l ance , que les chants dont pa r l e Moïse de Khorène forma i ent une épopée
complète, analogue au
Schah-Nameh
des P e r s a n s (4) , où se déroulait toute
l'histoire des anc i ens rois de l'Arménie. Ce s chant s historiques étaient de t ro i s
sortes : ceux que les critiques appellent
chants de premier ordre
relataient les
actes de va l eur et les hauts faits des rois et des g r ands capitaines de l ' A r –
ménie. O n range dans cette catégorie les fragments poétiques relatifs à T i -
g r ane , fils d ' E r ouan t ( 5 ) , à V a h a k n , s on fils
(6)
,
à Ardaschès I I I ( 7 J , à Ar d a v a z t
•
(1)
Voir plus loin : Agathangc,
Histoire de Tiridate et de saint Grégoire Vllluminateur,
ch.
108,
§ 129 et suiv., p. 164 et suiv. — Zénob de Glag,
Histoire de Baron,
p. 344 et suiv. — Gorioun,
Bio~
graphie de Mesrob,
dans la
Petite Biblioth. arménienne
(
Saint-Lazare de Venise, 1854), p.
5
et
suiv. du texte arménien.
(2)
Moïse de Khorène,
Histoire d'Arménie,
liv. I , ch. 30.
(3)
Correspondance de Grégoire Magistros ; ms. arm. de la Bibliothèque de Saint-Lazare de Venise;
lettr. 46.
(4)
Cf. le
Livre des Rois,
éd. de M. J . Mohl, dans la
Collection orientale.
(5)
Moïse de Khorène,
Histoire d'Arménie,
liv.
I ,
ch. 24.
(6)
ld. iUd.
y
liv. I , ch. 31.
(7)
Id. ibid.,
liv. Jï. ch. 50, 54.
Fonds A.R.A.M