DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
L e r o y aume d'Arménie, dont l'histoire remont e aux époques l es plus a n –
ciennes du monde et qu i s'est ma i n t enu , malgré des vicissitudes sans n omb r e ,
jusqu'à des temps assez rapprochés de n o u s , n ' a j ama i s joué u n rôle b i en
ma r quan t dans l es anna l es de l ' As i e . Entourés de tous côtés pa r dé puissants
vo i s i ns , sans cesse en lutte ouverte avec e u x , pour défendre l eur indépendance
menacée et ma i n t en i r l'intégrité de leurs frontières, cons t amment arrêtés dans
l eur s développements par d'audacieux envahisseurs , q u i , à plusieurs r e p r i s e s ,
dévastèrent et ruinèrent le p a y s , les Arméniens n ' ont j ama i s p u s'élever à ce
degré de puissance qu i assure l a stabilité et l a force d ' un emp i r e .
L a littérature de l'Arménie s'est fortement ressentie du ma r a sme cont i nue l
qui a cons t amment pesé sur le génie des populations nombreuses de ce pays .
S i l ' on compar e ce que l ' on connaît des œuvres littéraires des anc i ens écrivains
arméniens à celles des peuples avec lesquels i l s se sont trouvés en con t ac t , on
est obligé de reconnaître que l eurs productions intellectuelles n ' occupent qu ' un
rang secondaire p a rmi les autres littératures de l ' Or i en t .
Cependan t , i l paraît qu'à une époque fort a n c i e nn e , les Arméniens avaient
une littérature très-développée ; des fragments de longs poèmes épiques, de
chants populaires et de ba l l ade s , que nous t rouvons épars dans les œuvres de
quelques écrivains d ' un âge plus récent, sont là pour attester qu ' i l existait a u –
trefois, en Arménie, de r i ches trésors littéraires qu i sont à j ama i s perdus .
Ce qui nous est parvenu de ces chants antiques se bo rne à fort peu de chose ;
quelques vers isolés, quelques strophes que l a tradition transmettait aux gé –
nérations success i ves , le souveni r confus de récits héroïques, dont le sens a l –
légorique paraît avoir embarrassé les hi s tor i ens des pr emi e r s siècles du c h r i s –
tianisme , tels sont les seuls vestiges qu i nous restent de l'antique littérature de
l'Arménie. Ces poëmes, composés longtemps avant l a prédication de l ' Evang i l e
dans les contrées de l ' A r a r a t , sont attribués aux bardes d ' un petit district de
la province de Va s bou r a g an , qu ' on appelait l e canton de Koght èn, « pa y s
fertile en v i n
(
i ) . »
L a verve poétique de ces ba r de s , qu i formaient l a caste s a –
vante et lettrée de l'Arménie, l eur a valu une grande renommée dès les temps
les plus anc i ens .
L e s chants de l'antique Arménie rappellent pr i nc i pa l ement des événements,
la plupart héroïques et légendaires, accomplis à des époques très-différentes,
ce qu i donne à penser qu'ils ont dû être composés, à diverses r epr i s e s , p a r des
rhapsode s , dont les noms ne nous sont point parvenus . L e s sujets traités dans
(
i) Moïse de Khortne.
Hist. d'Arm.,
liv. I . ch. 30.
Fonds A.R.A.M