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l'existence de l'écrit hagiographique qui nous
a été transmis sous le nom d'Agathange.
Moïse de Khorêne, qui vivait au commence–
ment du cinquième siècle, paraît n'avoir égale–
ment connu que la seconde rédaction d'Aga–
thange. En effet, les cinq passages de son His–
toire (i) où il renvoie au livre de cet annaliste
se trouvent exactement mentionnés dans la double
rédaction, arménienne et grecque, de l'œuvre du
secrétaire de Tiridate.
On ne peut donc plus avoir de doutes sur
l'existence d'une rédaction originale du livre
d'Agathange qui a disparu et a été remplacée,
environ un siècle et demi plus tard, par une se–
conde rédaction très-différente de la première,
où l'élément historique a fait place à toute une
série de légendes rédigées après coup par un
hagiographe anonyme. Au surplus, l'existence ie
deux textes différents de l'Histoire d'Agathange
n'a rien qui doive nous surprendre, car le même
fait s'est produit également pour l'histoire du sy–
rien Zénob de Glag, écrivain contemporain du
secrétaire du premier roi chrétien de la Grande-
Arménie (2).
A partir du cinquième siècle , les écrivains ar–
méniens qui ont fait usage du livre d'Agathange
i»'ont eu très-certainement à leur disposition que
la seconde rédaction; et, bien que les mentions
très-abrégées qu'ils font de cette Histoire ne nous
permettent pas, en ce.qui les concerne, de tran–
cher la question d'une manière absolue, toutefois
il semble fort naturel de croire que les panégy–
ristes (3), que Jean Catholicos (4) et qu'Etienne
Orbélian (5) par exemple, ne connurent pas
l'Histoire originale d'Agathange.
L'histoire qui nous est parvenue sous le nom
d'Agathange a toujours joui chez les Arméniens
d'une très-grande réputation, car ils la considè-
(1)
Moïse de Khorêne,
Hist. d?Arménie
(
éd. Levaillant
de Florival ), 1.1, pag. 309,337, 341, 351, 363.
(2)
Histoire de Daron,
par Zénob de Glag (trad.
ir. de M. Prudhomme), préface, pag. 5 et suiv.
(3)
Panégyriques de S. Grégoire Vllluminateur,
par
Jean Sargavag, Vartan dé Pardzerpert, Jean d'Erzinga,
dans la
Petite Bibliothèque arménienne
(
Venise, 1853),
en arm.
(4)
Histoire d?Arménie
(
éd. Emin, en arm.), pag. 23,
et trad. fr. de St.-Martin (Paris, 1841), ch. VIII,
pag. 30.
(5)
Histoire de la Siounie
(
éd. Chahnazarian, 1859),
pag. 55 et suiv., et trad. fr. par M. Brosset (S.-Péters-
bourg, 1864), pag. 8 et suiv..
I rent comme le plus ancien monument de leurs
annales nationales. Telle que nous la possédons
actuellement, l'Histoire d'Agathange s'est vulga–
risée chez les Grecs, qui la firent entrer dans leurs
Mcnologes ( 1 ) , chez les Égyptiens, les Arabes et
les Chaldcens (2). L a première édition grecque de
l'Histoire du secrétaire de Tiridate, ou plutôt la
seconde rédaction due à un hagiographe anonyme,
est celle d'Agapius. Ensuite vient l'édition du
P. Stilting (3), qui s'est servi du plus ancien ma–
nuscrit connu, appartenant à la bibliothèque des
Médicis de Florence ( 4 ) , copié par le P. Pape-
brock, et qui est bien préférable à celui donné
dans le
Paradisius
d'Agapius. Le P. Stilting a
donné également, à la suite du texte grec d'Aga–
thange , une Vie abrégée de S. Grégoire, en latin,
qui paraît avoir été rédigée au douzième siècle,
d'après l'original grec, et qui se trouve à Rome,
dans la bibliothèque Barberini (5).
Le texte arménien d'Agathange a été plusieurs
fois réimprimé; la première édition parut à Cons-
tantinople en 1 7 0 9 , et fut réimprimée dans la
môme ville en 1 8 2 4 (6). Le manuscrit dont se ser–
virent les éditeurs fut copié à Amid, et appartient
aujourd'hui à la bibliothèque du monastère de
S.-Lazare de Venise. L a troisième édition est celle
des Mékhitaristes de Venise, qui parut en i835
et qui a été réimprimée en 1 8 6 2 ( 7 ) . Des sept
manuscrits dont les savants religieux se servirent
pour donner leur édition, celui de la Bibliothè–
que impériale de Paris (8) fut préféré, comme
étant le texte dont la rédaction paraissait là plus
parfaite. L'édition de Venise, quoique infiniment
(1)
Siméon le Métaphraste [Vies de 122 Saints j . —
Agapius,
Liber dictus Paradisius, seu illustr. ±<inct.
vitx
,
etc. (Venise, 1541).
(2)
Storia d'Agatangelo,
préface, page ta?.
(3)
Acta Sanctorum,
30
sept.,
t. VIII, pag. 295 et
suiv.
(4)
Plut.
7 ;
Cod.
27.
(5)
N° 926. — Cf.
Acta Sanclor., loc. cit.,
pag. 402-
413.
(6)
Cette édition laisse beaucoup à désirer. Elle fut
imprimée à Ortakeuï, faubourg de Constantinople, format
in-8°, en 1824, mais elle porte par erreur le millésime de
1822.
(7)
Cette édition, format in-18, est la meilleure édition
de l'ouvrage d'Agathange.
(8)
Biblioth, imp., anc. fonds arm., n° 51, P* 108-291.
Ce msc. fut écrit au XIII
e
siècle à Rim ( Rimini en Italie),
par un certain Vartan, pour le donner à l'hospice arménien
sous le vocable des Évangélistes Jeanet Matthieu, comme
on le voit par le contenu des mémoriaux, fol. 255. versa
et 293
recto.
Fonds A.R.A.M