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L E P S EUDO - BARDE SANE .
Mais le Hasard fait que des jeunes gens sont chefs
des vieillards, que des fous gouvernent des sages,
qu'en temps de guerre les faibles gouvernent les
braves et que les timides font la loi aux vaillants.
Sachez donc bien que chaque fois que la Nature
est détournée de sa véritable marche, l'obstacle est
dû au Hasard. E n effet ces têtes et ces gouver–
neurs qui sont sous l'influence de cette modifica–
tion qu'on nomme
nativité,
sont en opposition
l'un avec l'autre. Ceux qui s'appellent
droits,
se–
condent la Nature, ajoutent à son excellence,
chaque fois que le procédé les aide et qu'ils sont
dans les hautes régions de la sphère dans leurs
propres éléments. Ceux qui s'appellent
gauches,
sont défavorables, car chaque fois qu'ils se trou–
vent dans les régions élevées, ils se mettent en
opposition avec la Nature, et ne font pas seule–
ment du tort aux hommes, mais, à différentes
époques, ils en font aussi aux animaux, aux ar–
bres, aux fruits, aux' produits de l'année, aux
sources d'eau, et à chaque chose qui appartient
à la Nature, laquelle se trouve placée sous leur
influence. Aussi, par rapport à ces divisions et à
ces conflits qui existent chez les Puissances, quel–
ques-uns ont supposé que le monde n'est régi par
aucune loi supérieure, parce qu'ils ignorent que
ces divisions et ces conflits, que cette justifica–
tion
et cette
condamnation procèdent de l'in–
fluence donnée par Dieu au Libre Arbitre, afin
que les hommes puissent être absous ou condam–
nés en vertu de la force qui leur est propre. Ainsi,
de même que nous voyons le Hasard dominer la
Nature, de même, nous pouvons voir le Libre
Arbitre de l'homme repousser et dominer le
Hasard, mais non pas en toute chose, comme le
Hasard lui-même ne repousse pas non plus la Na–
ture en toute chose; car il est nécessaire que ces
trois choses,' Nature, Hasard, Libre Arbitre, soient
maintenues dans la vie des
hommes
jusqu'à ce que
l'œuvre soit accomplie, que la mesure et le nom–
bre soient remplis, afin qu'ils comparaissent de–
vant Celui qui a réglé la vie et la perfection de
toute créature, l'état de tout être et de toute
nature.
Avida dit : Ce n'est pas à cause de sa Nature
qu'un homme fait le mal ; c'est une vérité dont
je suis
convaincu
par les raisons que tu as don–
nées, que tous les hommes ne sont pas gouver–
nés d'une manière identique. Mais es-tu aussi
capable de nous démontrer ceci, que si ce n'est
pas par le Hasard et par le Destin que certains
hommes font le ma l , il sera juste de croire que
l'homme possède un Libre Arbitre, qu'il est porté
par sa Nature vers le bien plutôt qu'entraîné
vers le ma l , et que sous ce rapport i l sera aussi
justement jugé au dernier j our ?
Bardesane répondit : De ce que les hommes
ne sont pas gouvernés de la même manière, es-tu
convaincu que ce n'est pas à cause de leur nature
qu'ils agissent mal ? Alors la- matière te contraint
à croire qu'ils ne font pas le mal à cause du
Hasard qui les régit, si nous sommes capables de
te démontrer que les décrets du Hasard et des
Puissances n'agissent pas sur tous les hommes de
la même façon, mais que nous possédons en nous-
mêmes le Libre Arbitre, pour nous soustraire à la
servitude de la nature physique, et à la force agis–
sante des Puissances.
Avida dit : Prouve-moi cela, tu m'auras con–
vaincu , et je ferai tout ce dont tu voudras me
charger.
Bardesane reprit : Avez-vous lu les Livres des
Chaldéens qui sont à Babylone, dans lesquels i l
est écrit que les astres ont une influence sur la
naissance des hommes ; et les Livres des Égyptiens
dans lesquels sont aussi relatés tous les événements
qui arrivent aux hommes?
Avida répondit : J'ai lu les Livres des Chal–
déens, mais je ne sais pas ce qui appartient en
propre aux Babyloniens et aux Egyptiens.
Bardesane dit : L a doctrine de ces deux pays
est la même ( i ) .
'
Avida répondit : I l est connu que cela est ainsi.
Bardesane reprit : Écoute maintenant et sache
que ce n'est ni hasard, ni calcul de la part des
astres, si tous les hommes agissent par toute la
terre de la même manière.
(1)
Selon Diodore de Sicile (
Bibl. hist.,
liv. II, 29) les
Chaldéens formaient une caste semblable à celle des
prêtres égyptiens. — Cf. aussi Clément d'Alexandrie,
Stromat.,
I. —' Eusèbe,
Preepar. Evang.,
X, 6. — Gal-
lœus,
De Sibyllis,
pg. 184. — Julius Mrmïcus rapporte
dans sa préface, qu'il a intercalée dans sonTraité d'astro–
logie, tout ce que les Égyptiens et les Babyloniens avaient
écrit sur ce sujet.
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