L E L I V R E D E LA. LO I D E S CONTRÉES.
et que les choses fussent soumises à leurs désirs.
Cependant la richesse n'est la possession que de
quelques-uns ; le pouvoir ne se rencontre que ra–
rement; la santé n'est pas le partage de tous; et
même ceux qui sont riches n'ont pas une entière
possession de leurs richesses; ceux qui ont le
pouvoir n'ont pas toutes choses sous leur obéis–
sance, comme ils le désirent, et quelquefois aussi
leur autorité est méconnue plus qu'ils ne le vou–
draient. Tantôtles riches ont de l à fortune comme
ils le souhaitent, et tantôt ils deviennent pauvres
contre.leur volonté ; ceux qui sont complètement
pauvres , restent dans un milieu qu'ils n'ambi–
tionnent pas et vivent dans la société contre leur
désir; ils convoitent certaines choses et en re–
poussent d'autres. Beaucoup de gens ont des en–
fants et ne les élèvent pas ; d'autres les élèvent et
ceux-ci n'héritent pas, tandis que ceux-là héritent
et tombent ensuite dans la disgrâce et l'affliction.
D'autres sont riches selon leurs désirs, et ont une
mauvaise santé contrairement à leurs souhaits;
d'autres sont bien portants selon leurs désirs,
mais ils sont pauvres contrairement à leur vo–
lonté. I l y en a qui ont beaucoup de choses qu'ils
désirent et peu de celles qu'ils ne désirent pas;
il s'en trouve d'autres qui ont beaucoup de choses
qu'ils ne désirent pas et peu de celles qu'ils dési–
rent. Ainsi, on trouve que les richesses, les hon–
neurs, la santé, la maladie, les enfants et plusieurs
objets désirables sont à la merci du Hasard, et
nullement en notre pouvoir. Cependant nous
sommes contents et satisfaits de ce qui comble
nos désirs, et nous sommes entraînés malgré nous
vers ce que nous ne désirons pas. Or, si les évé–
nements nous arrivent lorsque nous ne les dési–
rons pas, i l est évident aussi que les choses que
nous désirons nous surviennent non pas parce
que nous les désirons, mais parce qu'elles doivent
arriver; donc quelques-unes nous font plaisir, et
quelques autres nous affligent. Ainsi, nous autres
hommes, nous sommes régis par les lois de la Na–
ture d'une manière analogue, par le Hasard d'une
façon différente, et enfin par notre Libre Arbitre,
chacun selon sa propre volonté.
Mais discutons maintenant et démontrons que
le Hasard n'a aucun pouvoir sur toutes les choses,
car ce qu'on appelle Hasard est un ordre de mar–
che qui est donné par Dieu aux Puissances et aux
éléments; et, d'accord avec cette marche et cet
ordre, les intelligences sont modifiées par le fait
de leur union avec l'âme, et les âmes sont modi–
fiées également par le fait même de leur union
avec le corps. Ces modifications s'appellent le
Hasard, et la production de ce mélange se trouve
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être épuré et transformé, en vue de venir en
aide, par la faveur de Dieu et par la gr âce , à
ce qui a été aidé et le sera encore jusqu'à la con–
sommation de tout. L e corps est donc gouverné
par la Nature ; l'âme souffre et perçoit en même
temps que lui. L e corps n'est ni gêné ni aidé par
le Hasard dans tous ses actes individuels, car un
homme ne devient pas père avant l'âge de quinze
ans, et une femme n'enfante point avant sa
treizième année. Réciproquement, i l existe éga–
lement une loi pour la vieillesse ; car les femmes
deviennent stériles, et les hommes sont privés du
pouvoir naturel d'engendrer ; tandis que cepen–
dant d'autres animaux qui sont aussi gouvernés
par leur propre nature, ne procréent pas seule–
ment avant les âges que j'ai indiqués, mais ils
deviennent même trop vieux pour procréer.
C'est ainsi que les corps des hommes, lorsqu'ils
sont devenus vieux, n'engendrentplus, etle Hasard
est impuissant à leur donner des enfants au mo–
ment où le corps, d'après les lois de la Nature, ne
peut plus en produire. Le Hasard est également
impuissant à entretenir la vie dans le corps de
l'homme sans manger et sans boire; et même
quand i l dispose d'aliments et de boissons, i l ne
peut pas faire qu'il échappe à la mort, car ces
choses et beaucoup d'autres sont soumises à la
Nature elle-même. Mais quand les époques et les
procédés de la Nature sont accomplis, le Hasard
apparaît alors en eux et donne naissance à des
circonstances différentes les unes des autres. Tan–
tôt i l vient en aide à la Nature et augmente ses
forces, et tantôt i l arrête et entrave son dévelop–
pement. C'est de la Nature que vient la croissance
et la perfection du corps ; mais en dehors de la
Nature et par l'effet du Hasard, les maladies et les
défauts corporels se produisent. C'est de la Na–
ture que provient l'union des mâles et des femel–
les, ainsi que la jouissance réciproque ; mais c'est
au Hasard que sont dues les abominations, les at–
touchements impurs et les actes honteux auxquels
se livrent les hommes adonnés à la luxure. C'est
la Nature qui donne la naissance et produit les en–
fants , et c'est le Hasard qui déforme les enfants,
qui trouble leur santé, et quelquefois les fait
mourir prématurément. C'est la Nature qui exige
une somme de modération pour tous les corps,
et c'est le Hasard qui produit le défaut d'aliments
et la souffrance des corps. C'est encore le Hasard
qui produit la voracité et l'intempérance exagé–
rée. L a Nature ordonne que les vieillards soient
des juges pour les jeunes gens, que les sages re–
tiennent les insensés, que les braves dominent les
faibles, que les vaillants s'imposent aux timides.
Fonds A.R.A.M