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BARDESANE .
V .
(
CH.
LXV.)
Règne de Vagharsch ; il fonde le bourg de Pa-
sène; la nouvelle ville est ceinte de murailles;
guerre contre les Khazirs; Vagharsch meurt.
Après la mort de Tigrane, son fils Vagharsch ( i)
règne la trente-deuxième année de son homonyme
Vagharsch roi des Perses. I l élève un grand bourg
sur le chemin, au lieu même de sa naissance. Sa
mère, en allant passer l'hiver en Ararat, prise tout
à coup de douleurs, était accouchée sur le chemin
dans le canton de Pasène (a), au confluent du
Mourtz (3) etdel'Araxe (Erask). Vagharsch cou–
vrit cet endroit de constructions, et de son nom
l'appela Vagharschavan (4). 11 l'entoura de mu–
railles, ainsi que le bourg de Vartkès (5), situé sur
le fleuve Rasakh (6). Voici ce que disent les fa–
bles :
«
Vartkès (7), encore enfant, étant parti
«
Du canton de Douh, près dufleuveKasakh
«
Va sefixerprès de la colline de Chérech,
«
Près de la ville d'Ardimet (8), près dufleuveKa–
sakh, ]
«
Pour tailler et sculpter la porte d'Érouant roi (9). »
C'est Érouant premier qui vécut peu de temps
et descendait de Haïg. Vartkès, ayant épousé sa
sœur, éleva ce bourg. Tigrane (Dikran) second, de
la race des Arsacides, y établit de nombreux Juifs
(1)
Ce prince s'appelait aussi Vologèse; il régna de
178
à 198 de notre ère.
(2)
La Phasiane de Constantin Porphyrogénète
(
De
adm. imp.,
ch. 45). — Cf. plus haut p. 45, col. 2, note 1.
(3)
Le
Musis
de Pline,
Hist. Nat.,
liv. VI, ch. 10.
(4)
Indjidji,
Géogr. anc,
p. 471.
(5)
Indjidji,
Géogr. anc,
p. 345.
(
G) Cette rivière, qui vient du mont Arakadz, coule
du N. au S. et arrosait les villes de Valarsabad ou Vag-
harschabad et de Garpi, dont elle prit les noms. Le nom
de rivière de Garpi lui est resté (Saint-Martin,
Mém. sur
l'Arrn.
t. I. I I , p. 39 et 40). — Cf. Indjidji,
Arm. anc,
p. 472, et
Arm. mod.,
p. 255.
(7)
Vartkès,
littéralement « à la chevelure rose ».
(8)
Ardimet et Vartkès étaient les noms primitifs de
la ville de Vagharschabad ( Indjidji,
Arm. anc.,
p. 472).
« (9)
M. Émin, dans sa Dissertation sur les chants his–
toriques de l'ancienne Arménie, a coupé les vers qu'on
vient de lired'une autre manière que les Mékhitarisles dont
nous avons adopté ici le système (Cf. Storia di Mose Co-
renese, versione italiana ; Venise, 1850, p. 216). Voici
comment le savant orientaliste russe a divisé les vers du
fragment poétique en question (Dissertation..., p. 93-
94) :
«
Vartkès, encore enfant, — » étant parti
a
Du canton de Douh, — » près dufleuveKasakh
«
Va se fixer — » près de la colline de Chérech,
«
Près de la ville d'Ardimet, — » près du fleuve
[
Kasakh,
«
Pour tailler et sculpter laporte — » d'Érouant roi. »
provenant delà première captivité, etee lieu devint
une bourgade commerçante ( i ) . Vagharsch l'en–
toura de murailles et de forts remparts, et l'ap–
pela Vagharschabad, qui est nommée encore la
Nouvelle-Ville. Ce prince mourut après vingt ans
de règne. Les autres vécurent seulement; mais lui,
je le dis, continue à vivre après sa mort, à cause
de sa. bonne renommée qui l'élève au-dessus des
rois pusillanimes et efféminés. Car, de son temps, les
masses coalisées des peuples du Nord, j'entends
parler des K-hazirs et des Pasils (2), franchissant
la Porte de Djor (3), sous la conduite de leur
roi Venaseb Sourhab (4), passent le fleuve Cyrus
(
Gour), et se rassemblent dans cet endroit. Vag–
harsch accourt avec une nombreuse armée de vail–
lants soldats, et jonche toute la surface de leur
camp d'une multitude de cadavres; puis, pour–
suivant vigoureusement les ennemis, i l franchit le
défilé de Djor. Là, ceux-ci, s'étant ralliés, se ran–
gent en bataille, et bien que les braves Arméniens
les aient encore battus et mis en fuite, cependant
Vagharsch meurt [frappé] par d'habiles archers,
[
après avoir régné vingt et un ans] (5).
Le trône de Vagharsch est occupé par Chos-
roès (Khosrov) (6) son fils, la troisième année
d'Artaban (Ardavan) roi des Perses. Aussitôt ce
prince, à la tête des forces de l'Arménie, passe
la grande montagne (le Caucase), pour venger la
mort de son père, poursuit avec l'épée et la
lance ces populations courageuses, prend sur elles
la centième partie des choses utiles, et, comme
signe de sa domination; il laisse une colonne
avec une inscription grecque, afin qu'il demeure
(1)
Cf. Moïse deKhoréne,
Hist.,
liv. II, ch. 14.
(2)
Ces peuples habitaient la Sarmatie et 3ont men–
tionnés dans la Géographie attribuée àMoïse de Khorêne.
Cf. St-Martin,
Mém. sur l'Arm.,
t. II, p. 334-335.
(3)
La Porte de Djor, appelée
Zour
par Procope (
De
Bell. Goth.,
IV, 3) et aussi nommée Porte des Alains
ou des Aghouank, est un défilé connu de nos jours
sous le nom de Porte de Derbend et qui se trouve à
l'endroit où le Caucase vient aboutir à la mer Caspienne.
Ce défilé est souvent mentionné dans les historiens ar–
méniens , arabes et persans. Alexandre y avait, dit-on,
dressé une porte de fer dont il est fait mention dans la
Chronique syro-arménienne de Michel le patriarche.
(4)
Il est probable que ces deux noms n'appartiennent
pas au même personnage et que le texte arménien a été
légèrement altéré dans cet.endroit; je propose de lire :
«
sous la conduite de leurs rois, Venaseb et Sourhab. »
Cf. St-Martin,
Mém. sur VArm.,
1.1,
p. 301.
(5)
Ce qui est entre crochets.[ ] manque dans pres–
que tous les manuscrits ; nous avons vu, quelques lignes
plus haut, qu'il est dit que Vagharsch mourut après
vingt ans de règne.
(6)
Chosroès le Grand régna de 198 à 232 de notre ère,
et fut assassiné par un seigneur arsacide appelé Anag,
qui était le père de saint Grégoire l'Uluminateuv.
Fonds A.R.A.M