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B A R D E S A N E .
I I .
(
CH.
LXH.)
Faits relatifs à Diran.
Diran, fils d'Ardaschès ( i ) , règne en Arménie
la treizième année de Firouz (Béroze) 1
e r
roi des
Perses. On ne raconte de lui aucune action r e –
marquable ; mais seulement qu'il servit fidèlement
les Romains. I l vécut en paix, occupé de chasses
et de plaisirs, à ce que l'on assure. I l avait deux
chevaux plus rapides que Pégase, qui paraissaient
non pas toucher la terre, mais bien fendre Pair.
Un jour, Tadaké, prince des Peznouni, obtint
de les monter, et se vanta d'être plus magnifique
que le roi.
Les hommes de la race antique des Arsacides
(
Arschagouni ) qui était aussi la sienne, lesquels
habitaient dans les contrées de Hachdiank, étant
venus vers Diran, lui dirent : « Élargis nos domai–
nes qui sont trop insuffisants pour nous à cause
de notre accroissement. » L e roi ordonna à une
partie d'entre eux d'aller dans les cantons d'A-
ghiovid et d'Arpérani.Mais ils firent au roi de plus
vives réclamations, en disant : «Nous sommes en–
core plus à Pétroit. » Diran ne fit pas droit [ à leur
requête ] ; i l refusa de leur donner d'autres do–
maines, et partagea entre eux, par parties égales,
le territoire qu'ils occupent. L e partage fait par
tête, le territoire de Hachdiank fut trouvé insuf–
fisant pour le nombre des habitants. Alors beau–
coup d'entre eux allèrent dans les cantons d ' A-
ghiovid et d'Arpérani.
I l y avait, dit-on, du temps de Di ran , un jeune
homme de la race des Antzévatzi, accompli en
toutes choses et appelé Er akhnavou ; i l épouse
la dernière des femmes d'Ardavazt, que ce prince
avait ramenée de Grèce. Ardavazt n'ayant pas de
fils, le roi laisse à Erakhnavou toute la maison
d'Ardavazt; car on disait celui-là, homme de mé–
rite, modéré en toutes choses, et réglé dans ses
passions. Le ro i , qui l'aime,, lui donne le second
rang qu'occupait Ardavazt, lui confie l'armée
d'orient et laisse près de lui Trouasb le Perse,
son favori, qui était allié aux satrapes du Vas-
bouragan, et à qui i l avait donné le bourg de Da -
dion avec son territoire, et une grande vigne ar–
rosée par un canal venant du lac de Kaïladou (2).
Diran s'en alla dans les contrées d'Eguéghiatz,
établir sa cour dans le bourg de Tchermès, et i l
(1)
Diran I régna de 121 à 142 de notre ère.
(2)
Le
Kaïlad,
diminutif de
kaïl
(
loup), était situé
dans la province d'Ararat. — Cf. la Géographie attribuée
à Moïse de Khoréne, dans les
Mémoires sur l'Arménie
de Saint-Martin, t. If, p. 366-367.
occupa le trône vingt et un ans. I l périt enseveli
sous une avalanche.
I I I . ( C H . LXI I I . )
Tiridate (Dertad)
Pahradouni.
Assurément Tiridate (Dertad), de la race des
Bagratides (Pakradouni), fils de Sempadouhi fille
du brave Sempad, était un homme courageux et
fort, de petite taille et d'apparence chétive. L e roi
Di r an lui fit épouser sa fille Eraniag. Celle-ci haïs–
sait son mari Tiridate, et allait toujours se lamen–
tant, murmurant et se plaignant d'être contrainte,
elle si belle, de cohabiter avec un homme dis–
gracieux; d'être alliée, elle sortie d'une maison
illustre, à un homme d'un rang inférieur. Tiridate
indigné, la frappa un jour très-rudement, arra–
cha sa blonde chevelure, et, l'ayant dépouillée de
ce riche ornement, i l commanda qu'on l'entraînât
et qu'on la jetât hors de l'appartement. Lui-même,
s'étant révolté, s'en alla dans les contrées impre–
nables de la Médie. Arrivé au pays des Siouni,
il apprend la mort de Di r an , et à cette nouvelle
i l s'y arrête.
,
Un jour Tiridate est invité à la table de Pagour,
chef de la famille des Siouni. Au milieu des joies
de l'ivresse, Tiridate voit une femme d'une grande
beaut é , qui chantait en s'accompâgnant d'un
instrument, et qui s'appelait Nazinig. Transporté
"
d'amour, i l dit à Pagour : « Donne-moi cette
chanteuse. » — « Non (répond c e l u i - c i ) , car
c'est ma favorite. » Tiridate, saisissant alors Na –
zinig, l'attira à lui au milieu du festin, et donna
cours à sa passion comme un jeune libertin. P a –
gour, furieux de jalousie, se leva pour l'arracher
[
à son r i va l ] ; mais Ti r idate , debout, s'arma d'un
vase rempli de fleurs, et chassa du banquet les
convives. On croyait voir un nouvel Ulysse
expulsant le prétendant de Pénélope, ou bien la
lutte des Lapilli es et des Hippocentaures ( 1) aux
noces dePirithoiis. Mais i i est superflu de toucher
(1)
Ouchgàbarig
est le nom d'une divinité inconnue
du paganisme arménien, que les traducteurs ont appli–
qué sans raison soit aux Sirènes, soit aux Hippocentau–
res. ( Cf. Émin,
Recherches sur le paganisme armé»
nien,
p. 36.) Ainsi, dans la traduction grecque de la Chro–
nique d'Eusèbe, les Sirènes dont parle Apollodore sont
appelées
Ouchgàbarig
( 1.1,
p. 12, 13 de l'éd. Aucher ),
et Moïse de Khorêne, en rappelant ici le combat des La-
pithes et des Centaures, d'après Bardesane, se sert éga–
lement de la même expression. Grégoire Magistros, dans
sa lettre à Thornig Mamigonien, désigne également les
Sirènes sous le nom
<¥Ouchgàbarig.
(
Chronique d'Eu–
sèbe, éd. Aucher, p. 13, note 1.)
Fonds A.R.A.M