AU PAYS DES MASSACRES
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Aux femmes, on arrache le lobe des oreilles pour avoir leurs pendants,
on coupe les doigts pour avoir les bagues serrées; quand elles résistent,
on leur coupe les mains ou les seins, ou même on les fait sauter vives
avec une charge de poudre, et Ton en a éventré d'enceintes. Devant
les parents et les maris liés, et qu'on ne tuera qu'après, ces misérables
assouvissent tour à tour, sur les jeunes filles et sur les femmes, leurs
passions infâmes. Il y a de pauvres afolés qu'on fait apostasier en leur
promettant la vie sauve, et quand on les a vaincus moralement, on les
tue.
Et tout n'est pas fini; quand ils sont morts, on les mutile honteuse–
ment. Les enfants eux-mêmes s'exercent pour les massacres futurs, se
penchent sur les corps et les lardent de coups de couteaux aux bons
endroits. Ne pouvant plus tuer, on frappe les cadavres, et, avec une
férocité de bêtes fauves, on s'y acharne, on les dépèce.
Tel est l'historique de ces « glorieuses » pour l'Islam. Et pour qui
me traiterait d'exagération, qu'il me soit permis de rappeler comme
exemple trois petits épisodes des massacres de 1895.
«
A Diarbékir... on mène les femmes à l'abattoir, et on les saigne
comme des veaux... on fait asseoir les hommes, ligottés, et sur leurs
genoux on coupe leurs enfants en tranches. Le consul de France assure
qu'un chrétien eut trois enfants ainsi taillés sur ses genoux, puis on lui
dit en riant : « Va-t'en pleurer chez ton consul ! » (1).
«
A Trébizonde, après avoir déchargé leurs pistolets sur le boucher
Adam et son fils Karchim, les assassins entrèrent dans la boutique,
tombèrent sur les blessés et se mirent à les dépecer. Ils arrachèrent les
bras, les jambes, la tête, mirent en pièces les deux troncs, en suspen–
dirent les morceaux aux crocs, et les montrant aux passants, ils criaient :
«
Que demandez-vous? Des bras, des jambes, des pieds, des têtes?
Achetez, c'est à bon marché î » (2).
«
A Orfa. Début ordinaire, classique. Quelques musulmans parcou–
rent les rues en accusant les giaours d'attaquer les Turcs. La troupe,
sortant des casernes, arrive. Elle fait des mouvements étranges comme
sur un terrain de manœuvres, chasse peu à peu les Arméniens des
quartiers excentriques, pour les réunir, les masser au centre de la ville
où le massacre sera plus aisé. Alors commence le carnage, le dépeçage
des corps, les viols hideux. Sur la place, quantité de jeunes filles, leurs
vêtements arrachés, sont vendues aux Kurdes par lots. Le lendemain,
trois mille de ces malheureuses se sont réfugiées dans la cathédrale,
portes fermées, se serrant au pied de l'autel, auprès de Dieu. Les assas-
(1)
La Politique du Sultan.
M. V. Bérard, p. 61 et suiv.
(2)
Les Massacres d'Arménie.
Société du Mercure de France, p. 31.
Fonds A.R.A.M