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fêter ce glorieux avènement. A fleur d'eau, entraî–
nés par les courants, glissaient lentement des ca–
davres, gonflés et mutilés, des têtes, des troncs,
d'informes débris humains, que le fleuve avait
charriés jusqu'à la mer. Jamais, dans les eaux du
golfe d'Alexandrette, on n'avait vu une telle af-
fluence de requins. Pendant plusieurs j ours les
officiers assistèrent à ce spectacle, dont ils ont re –
cueilli des documents photographiques
1
.
Le mardi 27 les excès se ralentissent, sans s'ar–
rêter tout à fait : la grande église protestante fut
incendiée ce jour-là. Les meurtres isolés, les i n –
cendies surtout, continuèrent pendant toute une se–
maine. Jusqu'aux premiers j our s de mai, le feu et
le pillage se poursui v i rent encore : le 4 mai, les sol–
dats cambriolaient une grande fabrique allemande.
C'est ainsi que tous les quartiers arméniens
d'Adana, — et ces quartiers formaient toute une
v i l l e , —on t été complètement rasés. Quelque temps
après la catastrophe, un voyageur qui a parcouru
ce vaste espace couvert de cendres a écrit :
Un ingénieur anglais évalue à 3
1
/
2
k i l . la superficie
des ruines. Personnellement, j ' a i pu y errer quatre
heures sans repasser aux mêmes endroits : la ruine
est totale. Seule demeure intacte la ville musulmane
pouilleuse et sordide, sans vie, engainant de sa lèpre
et de sa haine les quartiers qu'elle assassina
2
.
1
Voir notamment
VIllustration
du 12 mai 1909.
2
Les Vêpres ciliciennes,
dans la
Revue,
1
er
novembre 1909,
par M. G. VATSSIE.
Fonds A.R.A.M