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Nous montons sur les terrasses, écrit le père Benoit,
pour jeter de l'eau sur le feu, mais du haut des mina–
rets, les Turcs fusillent les sauveteurs.
Les Frères s'épouvantent, perdent la tête, ne
savent plus comment sauver leurs protégés; mais
voici qu'apparaît le consul anglais amenant quel–
ques soldats. I l a obtenu que tous ces malheureux
soient conduits au Konak, le vali répondant de la
vie de chacun d'eux. Malgré l'incendie qui cerne
le collège, les Arméniens sont si terrorisés qu'ils
ne consentent à en sortir que si le consul les
prend sous sa protection et que si les Frères et les
Sœurs les accompagnent. Et alors, par les rues en–
combrées de blessés, de cadavres et de décom–
bres, se déroule l'immense et lamentable cortège.
Peu après, le feu gagnait la maison des Frères, la
chapelle, la bibliothèque ; tout fut anéanti. Avant
d'avoir été détruite, la bibliothèque fut saccagée,
tous les livres mis en pièces. Au konak on fouillait
les Arméniens, les femmes surtout, avec la der–
nière brutalité, « sous prétexte — écrit une An –
glaise, miss Wa l l i s — de saisir des armes, en
réalité, pour les alléger du peu d'argent qu'ils
pouvaient avoir sur eux. » Puis on les réunissait
autour d'une espèce d'arc de triomphe édifié lors
de l'établissement de la Constitution, et on les for–
çait à acclamer Abdu l -Hami d « le padischah bien
aimé. » Après quoi, on les envoyait camper en
plein air.
Cette procession de gens exténués, affamés, fous de
Fonds A.R.A.M