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Nu l Arménien ne peut quitter la v i l l e . Ai ns i con–
centrée en quelques endroits, cette multitude sera
facilement cernée et brûlée comme de la vermine.
Le dimanche 25, arrivent les troupes jeunes-
turques. Dans la matinée et dans l'après-midi des
services religieux sont célébrés dans les églises.
On se reprend à espérer; mais les bataillons cons–
titutionnels n'ont pas plutôt pris leurs quartiers à
Kichla-Meïdany, aux portes de la v i l l e , qu'autour
du camp des détonations retentissent. Ce sont des
coups de fusil tirés par des soldats et des gens de
Djevad, mais on a tôt fait de persuader aux Rou-
méliotes, déjà très mécontents d'avoir à défendre
les chrétiens contre leurs propres coreligionnaires,
que des Arméniens sont venus les attaquer, que
ces giaours sont en rébellion, qu'ils ont massa–
cré les musulmans,et qu'ils méditent une nouvelle
agression. L'effet de ces accusations est foudroyant,
et lorsqu'un peu plus tard, vers 5 heures de l'après-
mi d i , les bandes scélérates s'élancent à l'assaut
des bâtiments qui donnent asile aux réfugiés, l'on
aperçoit les soldats de l'armée libératrice qu i mar–
chent à la tête des massacreurs et des incendiaires.
Voici la grande institution arménienne Abgarian,
collège et pensionnat, où sont parqués 2000 êtres
humains, dont beaucoup de malades et de blessés,
survivants de la tuerie de la semaine dernière.
Fonds A.R.A.M