«
La besogne accomplie n'est pas encore suffi'
santé. Nous n'avons fait qu'une trêve. Mais nous
verrons bien quelle sera la fin de tout cela... »
C'était clair et net.
Entre temps, les autorités jettent en prison
nombre d'hommes valides, des Arméniens, bien
entendu. Elles perquisitionnent soigneusement
dans les maisons restées debout et confisquent
toutes les armes. L'ordre est formel : tous les
Arméniens doivent rendre pistolets et revolvers ;
c'est la condition même, déclarent les fonction–
naires, civils et militaires, du maintien de la tran–
quillité. Les Arméniens, complètement démorali–
sés, accablés sous la catastrophe, laissent faire ;
toute velléité d'opposition serait d'ailleurs vaine.
I l va sans dire que l'on n'a eu garde de désar–
mer les musulmans. Tout au contraire, on a pré–
paré fusils, gourdins, munitions, et jusqu'aux
pompes et au pétrole qui alimenteront les incen–
dies. On a réquisitionné aussi de nouveaux renforts
d'assommeurs, on a mobilisé les pompiers, bref on
a tout prévu, tout préparé afin que cette fois, i l
soit procédé à l'opération de façon rapide, radi–
cale, infaillible.
La plus grande partie de la population armé–
nienne de la ville, privée de ses foyers, s'entasse
dans les églises, les écoles et les missions. Là, se
sont également réfugiés après le 17, les gens des
campagnes environnantes — presque tous des
femmes et des enfants, les hommes ayant été
exterminés — fuyant les bandes qui y sévissent.
Fonds A.R.A.M