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Dès le petit matin, de nouvelles équipes de
massacreurs, qui se sont déjà fait la main en tuant
dans les fermes des environs, pénètrent dans la
ville. Détail à noter : tous les musulmans, du plus
haut fonctionnaire au dernier malandrin, ont ar–
boré le turban blanc. Cette coiffure, qui est celle
des docteurs en théologie islamique, sert dans
l'espèce à la fois d'emblème religieux et de trait
distinctif, car dans le feu de l'action, on pourra
mieux ainsi distinguer les croyants d'avec les i n –
fidèles. Une autre précaution sera prise pour que
des confusions fâcheuses soient évitées : au mar–
ché, toutes les boutiques appartenant aux maho-
métans seront marquées du mot
islam
qui leur
épargnera le sac et l'incendie. Dès 7 heures du
matin, des attroupements se forment, principale–
ment au marché où l'on débutera tantôt, et avant
même que n'éclate le massacre, par le pillage des
magasins arméniens, à commencer par les b i j ou –
teries. Des paniques se produisent, plusieurs mar–
chands rentrent précipitamment leurs étalages,
ferment leurs échoppes. Cependant le vali, t ou –
jours bienveillant et paternel, prodigue les encou–
ragements et ces assurances hypocrites dont
l'Orient a le secret. I l persuade même aux chefs
du clergé arménien d'aller exhorter le peuple à
vaquer à ses occupations. Rien n'est à craindre. I l
en répond, i l le j u r e .
Fonds A.R.A.M