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jusque dans les boutiques du bazar et même dans
les rues. Visiblement ils cherchent à provoquer
les Arméniens. L ' un d'eux v i ent - i l à passer, on
l'insulte, on le bouscule, on crache sur son pas–
sage, ou bien on l'accueille par des quolibets, par
des ricanements. Le l und i de Pâques, 12 avril,
deux Arméniens sont assommés dans la rue, et le
lendemain 13 un troisième. On répand le b ru i t ,
d'ailleurs complètement faux, qu'un autre de ces
giaours a outragé une femme turque et assassiné
son mari. On affirme que les Arméniens se prépa–
rent à une exécution en masse de tous les Turcs ,
bref on a soin d'entretenir l'effervescence des es–
prits. C'est le début classique de tout massacre
en Arménie. Dans l'après-midi du 13, la nouvelle
arrive des troubles qui viennent d'éclater à Cons–
tantinople. Le Padischah, dit-on, va châtier tous
les ennemis de la religion et imposer le respect de
la l o i du Cheri'i... Dans la soirée, la ville d'Adana
est envahie par des paysans et des bachi-bozouks
turcs, kurdes, circassiens ; on les a fait venir
des environs ou même de villages éloignés... Us
sont munis de matraques à grosses têtes héris–
sées de clous, de haches, de coutelas, de fourches;
quelques-uns seulement ont des armes à f eu ; les
autres iront s'en faire donner à la caserne.
Cependant chez le vali Djevad bey, i l y a grand
conseil, sous sa propre présidence. Fonctionnaires
supérieurs, ulémas et notables turcs sont d'accord
pour que l'on « sévisse » le lendemain contre les
Arméniens. Seul le Hakim, président du tribunal,
Fonds A.R.A.M