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mongol, le dernier roi d'Arménie et un ange qui
prédit à ce prince des choses merveilleuses. On
jugea aussi très dangereuse une représentation de
Hamlet
que les Turcs prirent pour une œuvre
arménienne : le ro i dont le spectre apparaît sur la
terrasse du château d'Elseneur était sans doute un
roi d'Arménie, et les scènes sanglantes de la tra–
gédie une allusion perfide aux massacres hami-
diens ! Autrement fondés sont les griefs des Turcs
contre un groupe d'exaltés qui , à Adana, créèrent
un club patriotique où on se livrait à des manifes–
tations nationales inoffensives en soi, mais où, du
côté ottoman, on pouvait voir de véritables pro–
vocations.
Ce qui ajouta à l'irritation des Turcs c'est que,
le nouveau régime institué,
,
un grand nombre
d'Arméniens se procuraient des armes. Au lende–
main de la Constitution, les cœurs débordèrent de
fraternité, mais les revolvers se vendirent par
milliers; dans toutes les provinces de l'Empire,
chrétiens et musulmans s'empressèrent de s'en
munir. Les musulmans d'Adana virent dans ces
précautions de leurs concitoyens arméniens une
preuve de plus des ténébreuses machinations
qu'ils leur prêtaient. Au surplus ils ne pouvaient
tolérer que des infidèles, jusque là taillables à
merci, eussent l'audace de posséder ouvertement
des armes à feu. Du reste, le sujet non-musulman
est, d'après la doctrine islamique, indigne de por–
ter les armes, ce privilège étant réservé aux seuls
croyants. Et ce dogme subsiste tout entier aux
Fonds A.R.A.M