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tution fut non seulement l'œuvre de ces Jeunes-
Turcs sacrilèges, corrompus au contact des Francs,
traîtres envers l'Islam, mais encore et surtout celle
des révolutionnaires arméniens cherchant à réali–
ser, à la faveur de la liberté, leurs idées sépara–
tistes, et à créer un Etat indépendant. L'Asie-
Mineure mahométane n'en était que plus hostile à
l'égard du régime parlementaire. Des émissaires
de l'« Union et Progrès » avaient beau expliquer
que le principe de la souveraineté populaire est
inscrit dans les lois de l'Islam, qu'il fut même la
base du Khalifat p r imi t i f — c'est du moins ce
<ju'affirment les Jeunes-Turcs et les casuistes isla-
mites — ces bons musulmans d'Anatolie n'ont j a –
mais voulu voir dans la Constitution, cette inven–
tion de giaours, qu'une offense à leur religion et
la revanche des races infidèles. Ne venait-on pas
leur demander de regarder les chrétiens comme
des frères, des égaux ? Comment tolérer cette
égalité sans commettre un parjure, sans violer le
Coran ?
Les beys influents, les hodjas et les mo l –
lahs fanatiques entretenaient soigneusement ce
mécontentement, autant par conviction que par
intérêt, une loi égale pour tous menaçant de met–
tre fin à leur situation privilégiée. Désormais, se
disait-on, on ne pourrait plus tondre, écorcher im–
punément les Arméniens : ils auraient des députés
pour les défendre, des magistrats pour leur rendre
justice, ils auraient jusqu'à des officiers dans l'ar–
mée qui commanderaient aux croyants eux-mêmes.
Fonds A.R.A.M