mais le Turc doit le protéger. Alors des réunions se
tiennent entre Musulmans. On leur explique que les
Arméniens ont résolu de conquérir leur indépen–
dance. Ce sont donc des êtres hors la loi. Les portes
du paradis s'ouvriront pour ceux qui les détruiront :
elles seront fermées à ceux qui ne les détruiront pas.
Or notre Turc pieux et bon avait un ami Arménien,
un vieil ami. Leurs deux familles vivaient dans la
plus grande intimité, les hommes se voyaient entre
eux, et les femmes entre elles. L'Arménien vient se
réfugier chez son ami Turc, qui le reçoit à bras
ouverts : « Vous ne pouviez pas me faire un plus
grand plaisir, vous ne pouviez pas me rendre un
plus grand service ». — « Et lequel ?» —
a
C'est
que je vais vous massacrer, et les portes du paradis
ne me seront pas fermées ». Et il le poignarde, sans
hypocrisie, sans dissimulation, par piété.
6.
L e droit commun, les Capitulations, les
Réformes. — Nous allons, ce me semble, pénétrer
au fond des questions en discussion, et comprendre
la question centrale, celle des Réformes.
Pour une raison théorique : les différences essen–
tielles entre le musulman et le chrétien, et pour une
raison pratique : l'absence d'administration, il se
trouve que chez nous (dans les pays civilisés) le
droit commun, c'est l'ordre; en Turquie, c'est l'anar–
chie. — Chez nous, le droit commun, c'est la paix ;
en Turquie, c'est le pillage. — Chez nous, le droit
commun,c'est le progrès ; en Turquie, c'est le recul.
i . De cette situation sont nées les
Capitulations,
que Ton peut définir (non pas en langage juridique,
mais en langage vulgaire) des exceptions au droit
commun, des garanties concédées par la S. Porte
Fonds A.R.A.M