cette tolérance calculée? L'usage des armes était
interdit aux raïas chrétiens, qui devaient porter un
vêtement spécial, une livrée de servitude ; leurs égli–
ses devaient être petites, humbles ; il était interdit
de sonner les cloches; le bon Turc s'amusait parfois
à promenée dans la rue le calice attaché au cou d'un
chien. A la première explosion de fureur fanati
que, le massacre et le pillage étaient inévitablement
accompagnés des plus lâches outrages aux édifices
sacrés, et la tolérance turque se manifestait par
les scènes les plus orgiaques et les plus scatologi-
ques, se déroulant au sein des malheureuses églises...
C'est à partir de la moitié du xix
9
siècle, que sous la
pression de l'Europe le sort des raïas s'est amé–
lioré... » (Archag Tchobanian,
Le peuple
arménien,
i g i 3 . p . i4, i5 et
L'Arménie sous le joug; ture,
i g i 5 ,
p.
20).
Pour nos mentalités, ces mentalités sont difficiles
à comprendre ; et malgré tout, nous nous deman–
dons comment le meilleur Turc — que tant de voya–
geurs nous disent être très bon — peut devenir
atrocement sanguinaire. Voici un fait qui va un
peu nous aider à comprendre cette transformation.
Le récit m'a été fait par un Arménien, qui était
à
Erzeroum pendant les massacres d'Abdul-Hamid,
et qui y échappa grâce à une série de circonstances
inutiles à énumérer. I l y avait à ce moment à Erze–
roum un Turc particulièrement pieux ; il avait fait
trois fois le pèlerinage à L a Mecque; c'était une
«
bonne pâte de Musulman », aussi bon que pieux.
Il donnait à tous, ne distinguant pas entre Turc et
Arménien. Arrive l'ordre des massacres. I l s'indi–
gne. L'Infidèle, lui a appris son Coran, est un
dépôt sacré : l'Infidèle doit travailler pour le Turc,
Fonds A.R.A.M