Parfois les cris des femmes et des enfants
remplissent l'air. Les forces manquent; c'est
la faim hideuse, qui s'est bientôt mise de l a
bande. Les malheureux dévorent, quand ils
peuvent, du foin, de l'herbe. « Je les regar–
dais, dit un témoin ; des animaux sauvages ne
seraient pas pires ; ils se précipitaient sur
les gardes portant de la nourriture, et les
gardes les frappaient avec des bâtons, assez
fort pour les tuer quelquefois. I l était difficile
de croire que c'était des êtres humains » (1).
Tandis que la caravane se traîne sur une
route, jalonnée par les cadavres de la cara–
vane précédente, quelquefois dans un air em–
pesté, la populace, sentant qu'il y a là une
proie à sa discrétion, suit, comme une meute
de loups, mordant, déchirant. Elle tue et vole.
Alors, mères et enfants n'en peuvent plus.
Les enfants sont abandonnés sur le bord de
la route. Mourront-ils de froid, ou de faim?
Seront-ils dévorés par les bêtes ? Les parents
n'en savent rien.
Quand on passe près du fleuve, les mères
jettent leurs enfants et s'y jettent elles-mêmes ;
ou bien les gendarmes y précipitent tous les
enfants au-dessous de douze ans ; et ceux qu i
savent nager, ils les abattent à coups de fusil.
I l y a des femmes qui accouchent en route.
Elles jettent leurs enfants sous un buisson. Le
fouet du gendarme ne les laisse pas s'arrêter,
elles tombent mortes.
Des femmes s'empoisonnent, des femmes
(1)
Armenian atrocities,
p. S2.
Fonds A.R.A.M