l'abri de la cruauté des hommes » . Cette
phrase prodigieuse est vraie : « heureux les
massacrés » !
En effet, après le massacre, c'était la cara–
vane. L'ordre de déportation du 20 mai avait
signifié à toute la population arménienne de
quitter ses foyers, de partir pour un lieu qu'on
l u i désignerait, et des caravanes sont formées
un peu partout, de 2.000, 3.000 personnes...
Les plus fortunés louent des voitures à un
prix énorme ; mais dix minutes après l a ville,
on les fait descendre et ils doivent marcher,
porter ce qu'ils possèdent sur leur dos. Inter–
diction aux Musulmans de rien vendre aux
Arméniens. De temps en temps i l y avait les
massacres, — fusillades, noyades, — qui sup–
primaient peu à peu tous les hommes au-dessus
de 15 ans. I l restait les vieillards, les enfants,
les femmes. Or, pensons que beaucoup de ces
femmes étaient aussi civilisées, aussi délicates
que nos mères, nos femmes ou nos filles, avec
la même éducation, habituées au même confort
et aux mêmes égards. Et i l fallait partir à l a
hâte, quelquefois à peine vêtu, et marcher,
marcher pendant des semaines, à travers les
montagnes, portant les petits enfants, traînant
les autres.
Presque toutes les femmes ont été violées.
Quand on arrivait à la ville, au village, on les
faisait ranger devant l'édifice gouvernemental,
et les Turcs venaient prendre celles qui leur
plaisaient, ou envoyaient leurs médecins pour
inspections sanitaires, afin de peupler leurs
harems.
Fonds A.R.A.M