où le grand assassin cachait sa peur derrière
trois murailles. Et le 18 octobre 1898, sur le
seuil du palais, le Sultan et l'Empereur, selon
le protocole, s'embrassèrent comme deux frè–
res. Abdul-Hamid baisa Guillaume I I ; Gu i l –
laume I I baisa Abdul-Hamid (V, 7).
Et dans ce baiser, Guillaume I I avait mis
tout son rêve de l a « poussée vers l'Orient ».
Der Drang nach Osten !
un baiser digne de ce
rêve, et un rêve digne de ee baiser ! ( I , 4).
Salonique à l'Autriche ! à l'Allemagne, Bag–
dad, la ville d'Aroun Al-Raschid, le Sultan
des mille et une nuits ! Sur la route d'Alexan-
dre-le-Grand ! Sur le trône de Nabuehodonosor !
L'empire tentaculaire, par ses lignes de fer,
enserre une proie colossale. Une tentacule
s'étend tout le long de la mer. Elle atteint Jéru–
salem ; elle atteint Beerseba, où Agar erra dans
le désert, et Isaac creusa un puits ; elle atteint
le Sinaï. Une autre tentacule traverse l ' Eu -
phrate, longe le Tigre, atteint le Golfe Persique.
De Hambourg et de Berlin jusqu'à Bassora, la
ville des dattes, la Venise Orientale, et Koweit !
L'imagination s'égare et trébuche dans tous
ces bonds fantastiques! Le flot humain qu i ,
pendant des milliers d'années, a coulé du ber–
ceau de l'humanité jusqu'à la mer du Nord,
reflue vers sa source, — l e flot allemand, — et le
rêve devient cauchemar. Le canon Krupp tonne
dans les champs de tir de Jérusalem, ébranlant
les assises du Golgotha ; on se bat près d'Ur, en
Ghaldée, d'où sortit Abraham, en Mésopotamie,
devant le jardin d'Eden. Et à l'endroit même
où elle retentit i l y a 8 ou 10 mille ans, c'est la
Fonds A.R.A.M