La commune de Bakou
Ayant échappé à l'arrestation à Tiflis où les mencheviks
voulaient l'appréhender, Chahoumian arrive le 20 février à
Bakou. I l espère, avec l'aide du pouvoir central des soviets,
organiser une armée rouge capable de s'emparer de Tiflis pour
renverser le
Seïm,
ramener à sa cause les ouvriers et paysans
hésitants, et lutter contre les convoitises germano-turques, en
un mot conserver la Transcaucasie aux soviets. Sous la direction
de Korganov et de Mikoyan, qui, à l'âge de 23 ans, fait sa
première apparition à Bakou, le comité militaire-révolution–
naire, reconstitué après son départ de Tiflis, crée une garde
rouge et un régiment international composé d'ouvriers et de
soldats de diverses nationalités. En mars, les bolcheviks
disposent de 6 000 hommes.
La rupture avec le
Seïm
et le danger d'occupation de la
Transcaucasie par les Turcs se répercutent sur l'attitude des
partis à Bakou. Les dachnaks se rapprochent des bolcheviks par
crainte de la menace turque. S.R. et mencheviks, tout en se
méfiant des bolcheviks, veulent conserver Bakou à la Russie.
Les moussavatsites, malgré une majorité musulmane dans la
région de Bakou, sont faiblement représentés au Soviet où
dominent les Russes et les Arméniens. Le soutien tacite accordé
par les moussavatistes aux bolcheviks était plutôt motivé par
leur souci, en attendant l'évolution de la situation en leur
faveur, de maintenir l'équilibre entre les deux blocs constitués
d'une part par les S.R., mencheviks et dachnaks et d'autre part
par les bolcheviks. Mais leurs espoirs, qui découlaient de la
promesse faite par Lénine dans sa déclaration du 24 décembre
1917
aux peuples musulmans de la Russie devenaient pro–
blématiques en raison de la lutte interne déclenchée en Russie,
lutte qui risquait d'aboutir à l'instauration d'un pouvoir
hostile à l'autonomie des allogènes.
L'avance turque aux frontières de la Transcaucasie rend
plus crédible l'espoir des moussavatistes de mettre fin à leur
dépendance à l'égard des Russes. Dès lors, ils adoptent sans
équivoque une orientation pro-turque, et n'attendent que
l'arrivée des Turcs pour se débarrasser des partis adverses.
Jouant sur ces contradictions, le comité exécutif du soviet en
tire habilement parti pour dominer la situation. Lénine, à qui
Chahoumian a fait parvenir un rapport sur la situation à
50
Fonds A.R.A.M