Encouragé par l'absence de réaction des bolcheviks lors des
mesures prises contre eux, le centre régional du soviet de Tiflis
décide de désarmer les soldats russes contaminés par la
propagande bolchevique ; beaucoup sont évacués du front par
échelons vers Bakou, d'où ils doivent poursuivre leur route vers
le Nord. I l en résulte un massacre à la station de Chamkhor, à
20
kilomètres à l'ouest de Gandja. Attaqués par surprise dans
leurs wagons les 7 et 9 janvier, un millier de soldats tombent
sous les balles des irréguliers musulmans, ce qui provoque
l'indignation des bolcheviks et même les protestations des S.R.
et des dachnaks, et augmente leur méfiance envers les
musulmans.
La situation créée au Caucase après l'échec de la tentative
bolchevique pour s'emparer du pouvoir est examinée le 16
décembre par le Sovnarkom (conseil des commissaires du
peuple) réuni sous la présidence de Lénine. Pour affirmer qu'il
ne reconnaît au Caucase aucun pouvoir autre que celui qui
représenterait les bolcheviks, Lénine nomme le 18 décembre
Chahoumian commissaire extraordinaire provisoire pour les
affaires du Caucase. Le texte de cette décision sera remis à
Chahoumian par le remarquable révolutionnaire terroriste
Kamo (Ter-Petrossian). Le 22 janvier, Chahoumian arrive à
Tiflis où i l pense pouvoir exercer ses nouvelles fonctions. I l se
heurte bien entendu à une forte opposition de la part du
Commissariat qui se considère comme le seul pouvoir pro–
visoire légal en Transcaucasie. La situation malsaine qui en
découle ne peut qu'engendrer le perpétuel recommencement
des conflits, aggravés par les ingérences extérieures qui
s'annoncent. L'absence de tout compromis entre les camps
opposés sera lourde de conséquences pour la population.
Les Géorgiens sont surtout préoccupés par la défense de
leur propre territoire qui n'est cependant pas encore menacé
par l'effondrement du front, un de leurs leaders, le menchevik
Tchkhenkeli, ancien chef du parti S.D. à la I I I
e
Douma,
opposé à la poursuite de la guerre, voyant Lénine et ses
partisans triompher à Petrograd, rentre dans son pays natal où
il s'emploie avec Jordania à le préserver du bolchevisme.
Jordania déclare au général Shore qu'il défendra seulement les
limites de la Géorgie et non celles élargies par l'avance de
l'armée russe (en 1916) (9).
(9)
A.M.A.E.F., Caucase-Russie, 894, f" 158.
33
Fonds A.R.A.M