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Après avoir acquis la certitude que les Arméniens étaient à sa merci, le Gouverne–
ment fit débloquer le quartier arménien et autorisa ces malheureux à se rendre à
leur travail.
I l n'en pouvaient pas croire leurs yeux, en voyant leurs magasins défoncés, vidés
ou incendiés : voilà le spectacle que le Gouvernement a bien voulu leur offrir après
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jours d'internement dans leurs maisons et avant d'en envoyer la plus grande
partie dans l'autre monde.
En effet le i 6 courant, le bruit se répandit qu'un grand soulèvement était préparé
par les Turcs contre les Arméniens, les prêtres allèrent, dès le matin, voir le Mutes-
sarif pour l u i demander d'empêcher de nouveaux troubles ; à peine étaient-ils rentrés
chez eux, que le quartier arménien fut cerné par 3,ooo soldats et i , 5oo Hamidiés
qu i , avec la foule, armée également par le Gouvernement, se jetèrent comme des
bêtes furieuses sur les maisons arméniennes, enfonçant les portes, démolissant les
murs, tuant tous ceux qu'ils rencontraient et allumant ensuite l'incendie. Vous
décrire les scènes horribles qui se sont passées est impossible; ce carnage dura
depuis 4 heures et demie à la turque jusqu'au soir.
Fatigués et n'y voyant plus, ces barbares se retirèrent chargés de bu t i n , chassant
devant eux un grand nombre de femmes et de jeunes filles qu'ils vendirent sur les
places publiques, presque nues, de trois medjidiés à une livre turque.
Tout cela se faisait en invoquant la grâce du Prophète et celle du Sultan, l'ombre
de Dieu sur la terre.
Leur férocité et leur sauvagerie n'étaient pas encore satisfaites, car le lendemain
ils recommencèrent comme la veille.
Trois mille de ces pauvres Arméniens affolés de peur s'étaient réfugiés dans la
cathédrale où ils se croyaient en sûreté.
La plupart étaient des femmes, des filles, des enfants qui adressaient leurs fer–
ventes prières à Dieu pour faire cesser cette extermination. On aurait pu croire que
les fanatiques respecteraient le lieu saint. Non ; ils se ruèrent sur les portes qu'ils
brisèrent à coups de haches. Ayant pénétré dans l'intérieur, ils tuèrent tant que leurs
bras purent résister à la fatigue et détruisirent les objets du culte. Enfin, pour
achever, leur œuvre de destruction, ces scélérats firent apporter du pétrole qu'ils
répandirent dans l'église autour des groupes de ces pauvres malheureux, qui t r o u –
vaient la mort trop lente à venir. Ils y mirent le feu, et tous ceux qui n'avaient pas
péri par le fer moururent dans les flammes, pendant que cinq Mollahs (religieux
musulmans) adressaient du haut de l'église leurs remerciements àMahomet.
Monseigneur l'Evêque qui, depuis si longtemps , dirigeait cette communauté, ayant
voulu empêcher ces hordes sauvages d'envahir son église fut blessé lui-même par un
coup de feu.
Le nombre des victimes arméniennes dans ces deux jours des 1 6 et 17 janvier a
atteint le chiffre exact de 10 , 000 personnes.
Les cadavres sont restés plusieurs jours entassés les uns sur les autres dans les rues
de la ville ; après quoi les autorités ont requis les israélites d'avoir à les enlever.
Ces derniers durent obéir et durant une semaine entière, on vit les juifs d'Orfa
traînant avec des cordes, comme ceux des chiens, les cadavres des chrétiens pour
les jeter dans les fossés de la ville.
DOCUMENTS DIPLOMATIQUES.
Arménie.
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Fonds A.R.A.M