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N° 45.
M .
P.
C A M B O N ,
Ambassadeur de la République française à Constantinople,
à
M .
M E Y R I E B ,
Vice-Consul de France à Diarbékir.
Péra, 5 janvier 1896.
Hier le Ministre des Affaires étrangères m'a dit que le rappel d'Aniz Pacha était
décidé. Le Gouvernement commence à craindre les effets de l'anarchie, et j'ai des rai–
sons de croire qu'il va prescrire à tous ses agents d'observer l'attitude énergique
que quelques-uns d'entre eux ont su prendre.
P. CAMBON.
N° 46.
M .
M E Y R I E R ,
Vice-Consul de France à Diarbékir,
à M. P.
C A M B O N ,
Ambassadeur de la République française à Constan–
tinople.
Diarbékir, 8 janvier 1896.
Malgré les bonnes intentions des trois Commissaires qui ont été envoyés i c i , la
situation ,est toujours menaçante. Les Musulmans ne désarment pas. Leurs menées
sont encouragées par l'attitude du Gouvernement, de tous les fonctionnaires et plus
particulièrement par celle du Gouverneur. Ce dernier semble avoir perdu toute
mesure de justice. Je ne crains pas de le répéter: si on laisse Aniz Pacha dans le pays,
on aura tôt ou tard à déplorer de nouveaux malheurs. La seule garantie de sécurité
que nous ayons est la présence de la Commission à Diarbékir. Et encore nous ne
pouvons compter que sur sa bonne volonté, car les pouvoirs qui l u i ont été donnés
par le Sultan sont nuls et ne l u i permettent de prendre aucune mesure efficace. Pour
agir, les membres qui composent la Commission doivent prendre les ordres du Gou–
verneur. Néanmoins l'effet moral qu'ils ont produit sur tous est excellent; on peut
compter sur une apparence de tranquillité tant qu'ils seront dans la ville, et lorsqu'un
j our on aura remplacé Aniz Pacha par un fonctionnaire intelligent et honnête, je suis
persuadé que les choses changeront de face; n'ayant plus de crainte sur l'avenir, on
pourra alors songer à réparer les pertes immenses du passé.
J'ai pu , avec le concours de quelques musulmans, faire rendre plusieurs femmes
et filles enlevées. Mais la tâche est difficile; les malheureuses sont tellement menacées
et effrayées qu'elles n'osent pas exprimer le désir de rentrer dans leurs familles et de
reprendre leur religion.
MEYRIER.
Fonds A.R.A.M