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formulée à ce moment, et voyions-nous son importance réduite à cinq hommes d i r i –
gés par un sergent.
Pendant que ces événements se passaient, i l avait fallu recevoir dans l'intérieur
du consulat les fuyards qui frappaient à sa porte. Tous les établissements présen–
tant une garantie de sécurité avaient d'ailleurs été, dès les premiers instants, assiégés
par une foule suppliante, à qui l'on ne pouvait refuser un asile peut-être sauveur. Je
ne manquai pas à ce devoir. La plupart des Français et des protégés, les voisins chré–
tiens, quelques personnes surprises dans la rue par la soudaineté des faits, vinrenl
bientôt porter à plus de cinquante le nombre des personnes qu'il s'agissait d'héberger,
de nourrir et de protéger.
Dans l'après-midi, j'envoyai au Gouverneur général une instante demande d'assis–
tance , et je plaçai sous sa sauvegarde la
vie
et les biens des Français. I l me lit expri–
mer ses regrets des événements de la journée, et i l promit de faire tout son possible
pour assurer la sécurité des Français; vers le soir ces garanties furent réitérées, et le
commandant de l'artillerie de forteresse vint, plusieurs fois dans la nu i t , me faire
connaître que tout était tranquille.
Le lendemain
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se passa sans incidents graves. Tout au plus y eut-il quelques ba–
garres isolées, provoquées surtout à l'occasion de la visite des Arméniens que l'auto–
rité faisait évacuer : les hommes étaient dirigés sur le palais du Gouvernement ou
internés à la forteresse. L'anxiété était cependant plus grande encore que la veille au
soir. On savait que les habitants de la petite ville de Surmené, et ceux de certains
villages, qui ont tous une réputation de férocité trop justifiée, devaient se rendre en
armes à Trébizonde, à la suite de la nouvelle qui leur était parvenue des événements
de la veille. On ne pouvait songer à arrêter, avec des forces insignifiantes dont dis–
posait l'autorité, cette troupe aguerrie. Un notable musulman, Nemlizadé Osman
Effendi, qui occupe dans ce pays une situation considérable, se rendit au-devant
d'elle. I l obtint, paraît-il, à force de persuasion, que ces individus s'en retourneraient
sans pénétrer à Trébizonde ; la ville fut préservée ainsi d'une véritable dévastation.
C'est alors que le Vali fit répandre partout la nouvelle que le Sultan venait de par–
donner leur rébellion aux Arméniens et qu'on ne devait plus les menacer.
Des bruits nouveaux prenaient une inquiétante consistance. On parlait maintenant
de l'arrivée prochaine des habitants des villages arméniens qui s'avançaient vers Tré–
bizonde en tuant sur leur passage les villageois musulmans, afin de venger le mas–
sacre de leurs coreligionnaires. On en évaluait le nombre à un millier. Une panique
bien extraordinaire se répandit parmi la population musulmane des quartiers qui se
croyaient menacés, quoique celle-ci fût, au delà de toute proportion, supérieure en
nombre aux assaillants annoncés.
J'allai voir le Va l i ; à mon retour, le nombre des soldats de garde avait augmenté;
un officier en avait pris le commandement. Les derniers renseignements présentaient
la situation sous les couleurs les plus sinistres. On avait envoyé des troupes de soldats
réguliers et de bachi-bouzouks au-devant des Arméniens des villages ; un canon était
même placé à l'entrée de la ville. L'autorité distribuait des armes à la population
musulmane et l'on voyait des groupes nombreux qui gagnaient la campagne. L'anxiété
était grande dans la population turque qui se croyait effectivement menacée par un
retour offensif des Arméniens. Cette éventualité ne s'est pas réalisée, mais la panique
Fonds A.R.A.M