construire des casernes dans la plaine
de Mo u s h .
Moush,
2
novembre
via
Tiflis,
24
novembre.
U n grand nombre de Sassouniotes
sont toujours e n f e rmé s dans les prisons
de Mou s h sans avoir été jugés par les
tribunaux turcs.
L a famine r ègne au Sassoun et pour
l'aggraver les au t o r i t é s locales interdi–
sent s y s t éma t i q u eme n t a u x Sassouniotes
de venir se ravitailler dans la plaine de
Mo u s h .
Les vexations continuent à Mou s h et
au Sassoun, à cause de l'absence des
Consuls e u r o p é e n s .
L'affaire de Nareg.
Van, le
14
n o v e m b r e
1904.
Le 8 octobre seulement on entendit
parler de la p r é s e n c e de quelques A r –
mé n i e n s suspects, à Na r e g , village
principal du district, et où se trouvent
les tombeaux de Santouhde, proto–
martyre, et de Grégoire
Na r éga t z i ,
a n a c h o r è t e i n s p i r é .
I mmé d i a t eme n t , les a u t o r i t é s équ i –
p è r e n t une cinquantaine d'hommes :
gendarmes et soldats pris à Os d a n ,
chef-lieu du district de Gavache, les
r e n f o r c è r e n t d'une centaine de Ku r de s ,
et le lendemain, 9 octobre, ils étaient
à Nareg, sous les ordres du capitaine
K h a i l , chef de la gendarmerie du dis–
trict. Ce l u i - c i , avant de se faire une
idée précise et s û r e de la situation,
commence à attaquer le village en gé–
n é r a l . Quelques coups de fusil sont
tirés de la part des réfugiés : un soldat,
bandit kurde, du nom d ' Ab d u l Ham i d ,
est t ué dans l'échauffourée, tandis
qu'une vingtaine des habitants pai–
sibles sont tués par les soldats. Les ré–
fugiés se sauvent facilement ; les habi–
tants se d é b a n d e n t dans les environs;
la plupart, dans les villages kurdes.
Une t r a nqu i l l i t é relative r égna i t à l'ap–
proche de la nuit du 9 octobre et on
croyait l ' é v é n eme n t t e rm i n é .
C'est dans cette nuit que le capi–
taine Kh a i l conçoit le projet d'incen–
dier le village entier, à l'instigation
d'Abdulgafar frère et A l i , fils d ' Abdu l -
hami d , le gendarme t ué , tous trois cé–
lèbres bandits kurdes, i n c o r po r é s dans
la gendarmerie. On avait d o n n é aussi
l'alarme aux Kurdes des environs et
plus de 600 hommes a r mé s s'étaient
r é u n i s autour de Na r e g , le matin
du 10.
On a mis alors intentionnellement
le feu de tous les côtés. Le village était
a b a n d o n n é en grande partie, mais i l
y restait encore un certain nombre
de paysans.
To u t le village n'était plus qu ' un
grand b û c h e r dont les flammes s'éle–
vaient j u s q u ' à être visibles de Va n , à
12
heures de distance. Les Kurdes
avaient pris le soin d'enlever et de
piller d'abord tout ce qu i avait été
laissé par les habitants dans leur fuite
précipitée et vers le soir du 10, i l ne res–
tait plus, à Nareg, qu ' un amas de cen–
dres et de ruines au mi l i e u desquelles
demeurait seule debout la voû t e du
grand sanctuaire, édifice dix fois sécu–
laire, qu i avait encore une fois é c h a pp é
aux ravages des flammes et des pilleurs.
Ta nd i s que Nareg était en
flammes,
Kh a i l donnait l'ordre aux Kurdes de
poursuivre les fugitifs, de les massacrer
dans leurs refuges. Les Kurdes des v i l –
lage Zéva et Vi r gon i s , se sont mis
tous à massacrer, tuant m ê m e ceux
auxquels ils avaient offert l ' ho s p i t a l i t é .
Le m ê m e jour, le vicaire i n t é r ima i r e
d'Aghtamar, Ar s è n e Ma r ca r i an , s'était
rendu à Osdan pour conjurer le caï-
macam Loutfi bey à venir sur les lieux,
mais celui-ci préférait rester spectateur
impassible de tout ce que Kh a i l opé–
rait, sur sa tacite connivence. Le ma –
tin du 11, arrivaient de Va n , Hu s n i -
eflendi, major de la gendarmerie et le
missionnaire amé r i c a i n Ei sche r , et ils
visitaient les ruines en compagnie de
Loutfi bey et du vicaire Ar s è n e .
Partout ils rencontraient des cada–
vres d é n u d é s , mu t i l é s , b r û l é s , et des
amas de ruines fumant encore. Quel–
ques rares femmes et enfants erraient
encore dans les environs, sans abri et
presque sans connaissance.
L ' e nvoy é du vali avait l'ordre de
recueillir les A r mé n i e n s de Nareg et de
leur restituer leurs biens et leurs bes–
tiaux ; i l fit semblant de se conformer
à cet ordre.
On avait aussi d o n n é l'ordre de
pourvoir à la nourriture de ces mi s é –
rables, en leur distribuant du blé et de
l'orge ; mais ce qu i a été d o n n é n'est
rien devant la grandeur de la catas–
trophe. On a aidé seulement à trans–
férer les fugitifs de Nareg des villes
kurdes aux villages a r mé n i e n s pour
sauvegarder leur vie, si nous ne vou –
lons pas dire que le danger n'est pas
éloigné pour les uns et pour les autres.
Lee chefs kurdes qu i se sont d i s t i ngu é s
dans la catastrophe de Nareg sont
connus nominalement et d é n o n c é s au
vali, mais certes ils resteront impun i s
comme leurs devanciers. Vo i c i leurs
noms : Abdulgafar, frère, et A l i , fils
d ' Ab d u l - Ham i d , le gendarme t ué , du
village Vi r gon i s ; Medjid, fils du c h e i kh
Osman ; Ham i d , du village Zeva ;
Hadji Ra c h i d et son fils Faka Kh a l i d ,
du village V i r g o n i s ; Djabir, du village
Sarig ; An v a n i , du village Anga l o r ;
Kh a l i d , du village Chadouan ; Ab d u l -
aziz, fils de Mouchga -Ma l a ; Osman et
Gadir, fils de H a m i d ; A l i , fils de Hu s –
sein, du village Boghonis ; Youssouf,
fils de Mi r z a bey ; Ab d u l , fils de
Moustafa bey ; Ko u r c h i d agha, du v i l –
lage Osdan.
Quant aux A r mé n i e n s , on a pu iden–
tifier les cadavres des suivants : Az i z
To v i t i a n , âgé de 65 ans; Garabed Der
Ap r a h ami a n de Joans ; Vartan D j i -
k h o n d i , âgé de io5 a n s ; Oh a n n è s Ba-
banian, 57 ; Parseg Na z i gu i an , 7 0 ;
Ne r s è s Boziguian, 42 ; Racho Me l i -
k i a n , 5o ; Ha r ouk t i un Adjemian, 38 ;
Kha t chadou r Ghaza r i an , 35 ; Vartan
Sakhoyan , 32 ; Kha t cho Kh o u d i g u i a n ,
12;
Kampa r t zoun de Haght, 11 ; Sté-
pan Ohannessian ; Mi g u i r d i t c h Der
Sahaguian ; K r i k o r Ka l i gu i an ; Sakho
de Gargar ; Ma noug Ghazarian ; Mo u -
rad Ohannessian ; Ok h a n Sarkissian,
et autres.
Il y a aussi bon nombre de blessés,
dont quelques-uns gravement atteints.
Le nombre des maisons brûlées est
de plus de cent cinquante. Il est diffi–
cile d ' éva l ue r l'importance du pillage.
Il suffira de dire que tout est emp o r t é .
Le surlendemain de la catastrophe, le
vicaire Ar s è n e s'est rendu à Va n , pour
porter plainte au vali contre les auteurs
des atrocités et pour signaler le rôle
j ou é par le chef de la gendarmerie, le
capitaine K h a l i l et la c omp l i c i t é tacite
du c a ï ma c am Loutfi-bey. Ce dernier a
été r appe l é i mmé d i a t eme n t , mais pour
être e nvoy é à un autre caza, toujours
comme c a ï ma c a n . K h a l i l jouit toujours
de la protection gouvernementale. On
a arrêté trois ou quatre Kurdes , mais
pas ceux qu i ont été les vrais auteurs
du triste é v é n eme n t . L a conduite du
vicaire Ar s è n e l u i a valu l ' an imo s i t é des
chefs kurdes, et i l n'ose pas quitter la
ville pour rentrer à Agh t ama r où i l
pourrait être t u é .
Fonds A.R.A.M