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A S I L E D E S S O U R D S - M U E T S .
S. M . Impé–
riale, dans son infinie bonté, s'occupe d'ins–
taller à Constantinople un asile de sourds-
muets. Tout au moins une commission a
été nommée, dont les feuilles locales an–
noncent la réunion prochaine. Et pour ne
pas être en retard de louanges au souverain
magnanime, une revue française qu'Abdul
Hamid faisait poursuivre, en
1899,
pour
injures envers sa personne, enregistre en
ces termes l'événement :
L A RÉDACTION annonce à ses lecteurs, avec le plus
vif plaisir que S. M. I. le Sultan vient de créer des
écoles techniques dans tout son empire et un grand
asile de sourds-muets.
L'évolution précoce dépasse, par sa promptitude
et sa largeur d'action, toutes prévisions.
Qui sait les surprises et les leçons que l'Orient
réserve au monde ?
Il ne reste plus à la
Revue d'Europe
qu'à
changer son titre et à s'appeler désormais
la
Revue d'Orient.
C
O N D A M N A T I O N S A M O R T E T M A N D A T S D ' A R –
R Ê T .
La machine à condamner fonc–
tionne toujours ; cette fois on enregistre
deux condamnations à mort :
Le sieur Ghazori, ancien attaché au mu-
tessarifat de Jérusalem, accusé de crime
pour s'être sauvé à Paris dans des intentions
séditieuses, a été jugé par défaut et con–
damné à mort, à la perte de ses droits
civiques et à la confiscation de ses biens.
Ghazori est originaire du Mont-Liban.
Une note émanan t du parquet de Stam–
boul annonce que le n ommé Chékib,
alias
Réfaï, reconnu coupable de crime pour
s'être sauvé à l'étranger et avoir fait cause
commune avec les perturbateurs, a été jugé
par défaut. Il a été condamné à la peine de
mort, à la perte de ses droits civiques et à
la confiscation de ses biens.
Par une innovation heureuse, les com–
muniqués annonçant les poursuites des
coutumaces politiques seront ornés de
considérants diffamatoires pour les per–
sonnes en mésintelligence avec le Palais, à
en juger par le style de la note suivante,
parue dans les journaux turcs du 4 août :
Une note officielle, émanant de la cour crimi-
minelle de Stamboul, porte que les nommés Vah-
ram et Zareh, négociants en draps à Galata, accu–
sés de crime pour s'être, après avoir fait faillite,
sauvés en Egypte dans des intentions séditieuses et
avoir adressé une lettre de menaces à un certain
Nichan agha, n'ayant pu encore être arrêtés, un
délai de
10
jours a été accordé pour se présenter
devant la cour criminelle. Passé ce délai, Ils
seront jugés par défaut, perdront leurs droits civi–
ques et leurs biens seront confisqués.
Nous ne pensons pas que le « certain
Nichan agha » ci-dessus désigné soit le
misérable mouchard arménien Nichan, du
bureau de la presse : i l porterait au moins
le titre d'Excellence dans les paperasses
officielles.
D
É C O R A T I O N S .
L'envoi de cadeaux au
roi d'Italie a été suivi d'une pluie de déco–
rations hamidiennes; selon la coutume, de
hauts fonctionnaires voisinent, sur ces
listes, avec d'obscurs policiers dont l'es–
pèce, en tous pays, est chère au coeur de
S. M. I. ombre de Dieu et sultan des mou–
chards :
Medjidié,
grand cordon : M . Crola, sé-
naleur italien, préfet de la ville de Turin.
Osmanié,
3
B
classe : Le marquis Scou-
ziadi, des maîtres de cérémonies à la cour
royale d'Italie; le commandant Caffiero,
aide de camp de S. M . le roi d'Italie.
4
e
classe : M. Marbionti, secrétaire de la
grande maîtrise des cérémonies de la cour
royale d'Italie.
Medjidié,
3
e
classe : Le comle Fussalti,
maître des cérémonies du palais de la
duchesse d'Aoste.
4
E
classe : MM . Angelo Manganiello,
Ernesto Carozï, Domenico Presli <T Vi t -
torio Deciho, inspecteurs du service de la
sûreté en Italie.
P. O.
DOCUMENTS
Correspondance diplomatique sur les
affaires de Zeïtoun (Octobre 1895-
Avril 1896.)
(
Livre Jaune de 1897).
(
SUITE)
98.
M . P . C A M B O N , ambassadeur de la Ré –
publique française à Constantinople,
à M . B A R T H É L É M Y , Consul français
en mission à Zeitoun.
Péra, le
11
février
i8g6.
Vous êtes-vous concerté avec le Consul d'Italie
pour l'enquête sur la mort du P. Salvatore?
Nous agissons comme protecteurs d'un reli–
gieux catholique, il agit comme représentant la
famille d'un sujet italien. Votre accord doit être
complef. En revenant de Zeïtoun, il me semble
bon que vous vous arrêtiez à Yenidjekalé.
Je suis heureux d'apprendre le succès de votre
médiation.
Le Consul de Russie demandant à quitter
immédiatement Zeïtoun à cause de son état de
santé, l'Ambassadeur de Russie vous prie de le
représenter, et je vous invite à accepter cette
mission.
P. CAMBON.
99-
M .
B A R T H É L É M Y , Con s u l français en
mission à Ze ï t oun , à M . P . C A M B O N ,
Ambassadeur de la Ré p u b l i q u e fran–
çaise à Constantinople.
Zeïtoun,
i3
février
i8g6.
J'ai fait savoir au Consul de Russie que j'ac–
ceptais de représenter son ambassade et j'en ai
informé les deux Consuls et les délégués otto–
mans.
La reddition des armes par les insurgés a
commencé par mes soins. Les soldats prison–
niers ont été remis en liberté.
Une escorte emmène les quatre barons (chefs
zeïntounlis) et leur suite : ils seront embarqués
à Mersine.
Je fais procéder au dénombrement des réfu–
giés par village; l'acte réglant leur mode de
rapatriement et les moyens de pourvoir à leur
sécurité sera dressé ensuite.
Le Consul italien et moi, nous étions tombés
d'accord depuis longtemps sur la nécessité de
nous transporter sur les lieux du meurtre du
franciscain italien : j'attends certains rensei–
gnements de Marache.
BARTHÉLÉMY.
100.
M . P . C A M B O N , Ambassadeur de la
Ré p u b l i q u e française à Constanti–
nople, à M . B E R T H E L O T , Ministre des
Affaires é t r a ng è r e s .
Péra, le
14
février
i8g6.
L'arrangement de Zeïtoun est en pleine exé–
cution. Les insurgés rendent leurs armes, les
soldats turcs prisonniers ainsi que leur colonel
ont été livrés. Les quatre chefs arméniens dont
l'expulsion a été demandée sont dirigés sur
Mersine, où ils sont embarqués.
Le nombre des réfugiés n'appartenant pas à
Zeïtoun est évalué à
12.000.
Notre agent s'oc–
cupe de leur tapatriement. Le Consul de Russie
ayant été obligé de partir pour raison de santé,
M . de Nélidow m'a prié de le faire représenter
par M . Barthélémy.
P. CAMBON.
101.
M . B E R T H E L O T , Ministre des Affaires
é t r a ng è r e s , à M . P . C A M B O N , Amb a s –
sadeur de la Ré p u b l i q u e française à
Constantinople.
Paris, le
14
février
i8g6.
J'ai appris avec une vive satisfection l'issue
favorable des négociations poursuivies par les
six ambassadeurs au sujet des insurgés de
Zeïtoun, et je tiens à vous remercier de vos
efforts pour assurer ce résultat.
BERTHELOT.
102.
M . P . C A M B O N , Ambassadeur de la Ré –
publique française à Constantinople,
à M . B E R T H E L O T , Ministre des Af –
faires é t r a ng è r e s .
Péra, le
1
7
février
i8g6.
Je vous ai fait savoir que les insurgés de
Zeïtoun avaient accepté et signé les conditions
que nous avions obtenues pour eux de la Porte
après dix jours de laborieuses négociations. Je
vous ai, en même temps, donné connaissance
de la nature de ces conditions et des témoi–
gnages de reconnaissance que les Zeïtounlis
avaient adressés aux représentants des Puis–
sances.
(
A suivre.)
Le Secrétaire-Gérant :
J
E A N
L
O N G U E T .
L Emancipatrice
(
imprimerie), r. de Pondichéry, 3, P a r i s .
Ed. GAUTHIER, administ.-délégué.
Fonds A.R.A.M