leurs dires, dans le département d'Erivan et à.
Kars, environ 35,ooo hommes ont manifesté le
désir de s'engager dans les bandes dont une
partie doit entrer en Turquie immédiatement,
ou
via
Perse et l'autre resterait pour produire
des troubles, le i e r mai courant, sur les fron–
tières russes.
Vous informant au sujet de ces faits, je pro–
pose aux gouverneurs de tous les districts qui
sont sous mes ordres, de prendre des mesures
énergiques pour désorganiser les bandes en
train de se former et d'empêcher les troubles
de se produire dans les régions qu'ils sont ap–
pelés à gouverner.
Le gouverneur
militaire,
SAMOILOV.
VII
LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL
D'ÉRIVAN
S ECRET
Au gouverneur de district
d'Alexandropol.
D'après une information les membres du
parti terroriste arménien essaient de répandre
dans la population cette idée, que cette dernière
ne doit pas s'adresser pour ses affaires aux
différents Comités des villages, mais qu'elle doit
s'adresser aux membres du parti qui peuvent
prendre des décisions et punir les coupables
s'ils jugent nécessaire.
Je vous donne cette information pour que
sur une propagande de ce genre vous prêtiez la
plus grande attention et que vous preniez les
mesures nécessaires pour arrêter et emprisonner
les coupables.
Je vous prie de m'informer de suite sur le
résultat de vos recherches.
Le Procureur
général,
DlZENHAUGEN.
»
Le Combat de Zivine
(
Récit d'un
fédaï
qui a participé
à la lutte.)
: _.
i
Le
7
/20
juin
1904.
Le seul désir de notre bande c'était de passer
dans le fond du pays et de combattre à Passen
même les bourreaux du peuple arménien qui
avaient déjà senti et mesuré une fois la force
et l'audace de nos fédaïs.
Le 3i mai, dans le village T . . . toute notre
bande, composée de
29
cavaliers communia
et fit sur la croix et sur l'épée le serment de
lutter contre l'ennemi jusqu'à la dernière goutte
de son sang et de tenir haut l'honneur du dra–
peau révolutionnaire arménien. En terminant
notre dîner, nous avons donné à nos cama–
rades qui restaient des baisers d'adieu. La nuit
du 6 juin notre bande de cavalerie passe près
des sentinelles de la frontière russe, mais au
moment de passer la frontière turque, nous
avons été remarqués par les sentinelles turques
qui, après avoir crié : « Qui êtes-vous ? » firent
feu sur nous. Nous avons répondu au feu
des sentinelles avec nos Mauser et nous nous
sommes élancés en avant en faisant perdre nos
traces. Nous avions encore quatre heures jus–
qu'à la pointe du jour, il nous était impossible '
d'arriver la nuit sur la montagne qui était dési–
gnée d'avance comme refuge.
Sur le conseil de nos principaux soldats et
sur l'ordre de Gaïdzag, le chef de la cavalerie,
nous sommes montés, au lever du jour, sur les
ruines d'une vieille forteresse historique qui se
trouve entre les villages de Khorom et de Zivine;
là, nous nous sommes divisés en trois sections
et nous avons ainsi occupé ces positions. Une
partie de nos fédaïs, sous le commandement de
Hatchik se trouvait sur la position du sommet,
nos autres camarades gardaient les autres po–
sitions et étaient en même temps chargés de la
protection de nos chevaux et des armements.
Sur le sommet, nous avions avec nous six bom–
bes, et les fusils et les cartouches que nous
portions sur nous.
Au lever du jour, on nous a signalé des
vallons environnants et on est allé répandre
la nouvelle dans les villages avoisinants habités
par des Kurdes, A partir ue cinq neures du
matin, des centaines de Kurdes armés furent
rassemblés autour de nous et occupèrent des
positions opposées aux nôtres. Le combat com–
mença à six heures. A midi,
2.000
Kurdes et
soldats turcs s'étaient rassemblés autour de
nous, mais, malgré leur nombre, ils n'osaient
pas s'avancer; ils faisaient feu de si loin que
les balles n'atteignaient pas nos positions. Le
chef de notre bande passait continuellement
d'une position à l'autre et encourageait nos
camarades. L'après-midi, le nombre des soldats
et des Kurdes a doublé; encouragés, ils s'ap–
prochèrent de nous petit à petit et la lutte
devint aiguë.
Pendant ce temps, notre chef se trouvait
dans sa position et il lui était impossible de
passer dans les autres positions. Les balles de
l'ennemi tombaient comme la grêle mais mal–
gré cela nous avons lutté sans donner une
seule victime et nous avons arrêté la marche
en avant de l'ennemi. Il était une heure de
l'après-midi, lorsque pour la première fois les
Kurdes en quand nombre s'élancèrent en avant
vers nous. Sur les ordres de notre chef et de
Hatchik-Nichan (Mikael Jamagotchian) une fu–
sillade générale commencée tua quelques di–
zaine des assaillants, le reste battit en retraite et
s'abrita de nouveau derrière les collines.
Une grande agitation régnait dans le camp
de l'ennemi et nos carabines faisaientune abon–
dante récolte parmi eux. Une demi-heure après
les soldats turcs et les Kurdes ensemble s'élan–
cèrent de nouveau de leurs positons en pous–
sant des cris et des hurlements et s'avancèrent
vers nous. Cette fois-ci encore une fusillade
générale repoussa l'ennemi. En même temps
que nous nos camarades occupant les autres
positions, luttaient furieusement contre une
autre foule de Turcs et de Kurdes; là aussi
l'ennemi a eu des victimes, pendant ses
attaques infructueuses. Notre enthousiasme
n'avait pas de limites. Nous étions en train de
mener une lutte acharnée lorsque soudain, nous
avons remarqué une nouvelle foule de Kurdes
s'avançant directement vers nous. Les deux
bombes lancées par le caporal Hatchik et
l'averse de nos balles ont étalé sur le sol
plusieurs cadavres, le reste battit en retraite.
Il était six henres de l'après-midi quand une
foule compacte de Turcs et de Kurdes nous
ont attaqué de nouveau. Encore cette fois-ci,
nos bombes et nos balles ont donné un grand
coup à notre ennemi. Lorsque nous avons vu
notre ennemi prendre la fuite, nous n'avons
pas pu retenir notre élan; nous avons aban–
donné nos positions, nous avons atteint les
fuyards en marchant sur des cadavres et nous
avons tué sans pitié tous ceux qui nous tom–
baient sous les mains. Nous avons soudain re–
marqué que des soldats Turcs du nombre de
trois ou quatre cents étaient arrivés derrière nous
et avaient occupé nos positions. Renforcés dans
nos positions, ils faisaient feu derrière nous.
Le tableau changea. Des trois côtés, nous étions
cernés de soldats turcs et de Kurdes. Des balles
de l'ennemf sont tombés le caporal Hatchk,
nos camarades Eghiarar, Nato, Kévo de Moush,
Aram d'xVIexandropol et Hatcho, quant à nous,
après avoir lutté sous le commandement de
notre chef, nous avons battu en retraite vers
d'autres positions.
Pendant ce temps, notre brave chef tomba
blessé de ses deux jambes en criant : « Cama–
rades, luttez et vengez le sang de vos frères. »
En même temps tombèrent nos camarades
Nakan,Bagdassar, de Moush, Archag d'AIexan-
dropol et Mathéos ; quant à moi, j'ai été légère–
ment blessé.
Dans les autres positions, nos camarades
avaient fusillé leurs chevaux et étaient descendus
de leurs positions vers le vallon et avaient avancé,
toujours en combattant l'ennemi. C'est impos–
sible de savoir combien il y a eu de victimes
parmi nos camarades. Jusqu'au coucher du
soleil on entendait encore du vallon des coups
de fusils.
Agop, de Gantzak, qui était avec moi, ne
voulant pas lutter renforcé derrière des roches,
s'avança le fusilà l'épaule sur les Kurdes, mais
il a été pris par des Kurdes embusqués.
Quant à moi, resté seul, j'ai continué à lutter.
Les Kurdes criaient : « Livrez-vous ! » mais
pour le fédaï, le mot « se livrer » n'existe pas.
Dans ce moment critique, une pensée vint
dans ma tête, j'ai caché sous le sol deux bom–
bes, sur lesquelles j'ai mis les cartouches et les
armements qui se trouvaient dans nos posi–
tions. En levant mon fusil, j'ai crié aux Kurdes
que s'ils ne faisaient pas feu, je me livrerai.
Plus de cinquante Kurdes s'avançaient vers
moi gais. Pendant ce temps, j'ai brûlé la lon–
gue mèche des bombes et j'ai couru discrète–
ment et je me suis caché derrière une roche.
Les Kurdes arrivèrent et, tandis qu'ils se dis–
putaient les quelques armes qui se trouvaient
là, les bombes éclatèrent et la poussière, la
fumée et les cadavres des hommes se mêlèrent
ensemble.
En profitant de cette agitation, je me suis
éloigné un peu plus et le fusil en main, un
mauser à mon côté, j'ai attendu les perquisi–
tions de l'ennemi. Personne n'est venu à côté
de moi et quoique je ne connusse pas le pays
j'ai marché pendant deux nuits seul et par mi–
racle j'ai pu passer la frontière, armé. Le nom–
bre des cadavres et des blessés de l'ennemi
était nombreux, de 4 à 5oo environ.
Les fonctionnaires russes de la frontière ont
informé par télégramme le gouverneur de
Kars et ce dernier le gouverneur général, au
sujet de la rencontre de la bande révolution-
Fonds A.R.A.M