palliatifs, et ce n'est pas ainsi que la
question sera vraiment résolue. Mais
du moins on aura s a uv é ceux qu i peu–
vent encore être s auvé s ; et si, alors, les
puissances étaient tentées une fois de
plus de laisser se continuer l'état de
choses qu i dure depuis tant d'années,,
en saura rappeler aux chefs des peuples
dits civilisés qu'ils ne sont pas quittes
envers leurs créanciers a r mé n i e n s , de
la dette con t r a c t é e solennellement par
eux i l y a plus d'un quart de siècle. Et
s'ils ne sont pas e n t i è r eme n t sourds à
toute parole de justice et de raison, ils
auront entendu les voix irrités qu i s'éle–
vaient à Londres contre leur inertie et
leur lâcheté, alors qu'en trois langues
u n e m ô m o r ' i a m o u r J ' m j i g n a t i o n
^.tciit
proférée par des hommes de partis, de
religions, d'opinions philosophiques,
de culture et d'habitudes diverses, mais
unanimes dans leur vo l on t é d'obtenir
enfin pour un peuple toujours écrasé
les droits les plus é l émen t a i r e s à la vie,
à la sécurité, à l'honneur. •
P I E R R E
Q U I L L A R D .
P . S. — D è s aujourd'hui, M. Fr anc i s
de P r e s s en s é fait savoir au Ministre des
affaires é t r angè r e s qu'une somme de
5.
i66 fr.
20 ,
don d'un g é n é r e u x ano–
nyme, sera envoyée prochainement par
son i n t e rmé d i a i r e au vice-consul de
Van, pour être r épa r t i e entre les réfu–
giés du Sassoun. Nous e s pé r on s que
cette somme et toutes celles qu i par–
viendraient à l'administration de
Pro
Armenia,
3,
avenue de l'Observatoire,
pour le m ê m e objets pourront être dis-
taibuées par les soins de nos agents
consulaires.
O N E N T R E T I E N A V E C M . J A M E S
8
BYCE
Notre excellent confrère et ami F. Crucy, envoyé
spécial de
l'Aurore
à la Conférence Internationale
de Londres, rapporte ainsi l'entretien qu'il a eu
ivec M . James Bryce :
Comment agir ?
C'est ce que je suis allé demander avant
de quitter Londres, à l'un des membres les
plus qualifiés du Parlement britannique
pour répondre à semblable question.
M. James Bryce, celui-là même qui a
présidé la conférence internationale, a bien
voulu me recevoir.
M. James Bryce, ancien sous-secrétaire
d'Etat sous le ministère Gladstone, et l'un
des peu nombreux amis du
greal old man
qui n'abandonnèrent pas celui-ci à l'époque
du
home ride,
M . James Bryce est actuelle–
ment un des membres les plus écoutés du
parti libéral a la Chambre des communes :
non content d'être un homme politique de
haute valeur, M . James Bryce est aussi un
humaniste et un historien ; i l vient de pu–
blier une œuvre magistrale sur l'histoire
de la Révolution des Etats-Unis.
C'est assez dire la valeur des apprécia–
tions sur la question d'Orient que M. James
Bryce a bien voulu m'exposer.
J'ai trouvé M. James Bryce à la Chambre
des communes et c'est dans une galerie de
l'immense « maison du Parlement » que
nous avons échangé les quelques propos
que voici.
Après avoir exposé à M. James Bryce la
profonde impression aue j'avais ressentie
en assistant à la conférence internationale,
en reconnaissant l'accord qui se faisait en–
tre les grandes nations libérales, et, dans
ces nations., entre les hommes des partis
les plus opposés, sur une cause de justice
et d'humanité et sur le ferme propos d'assu–
rer le succès de cette cause, je dis à mon
interlocuteur la crainte que j'avais qu'on ne
se fût une fois de plus contenté de mots.
—
Il est vrai, m'a-t-il répondu, que dix
ans ont passé depuis les premiers massa–
cres d'Arménie, que les derniers massacres
sont d'hier et que nous en sommes encore
aux mots. La conférence internationale qui
vient d'avoir lieu va-t-elle aboutir à des
actes ? Je veux le croire.
—
Quels actes seraient possibles ? ai-je
demandé.
—
A mon avis, les puissances n'ont plus
le choix. Il ne reste qu'une manière d'agir,
si l'on veut agir avec efficacité. Il faut
contraindre le sultan à accorder la plus
complète autonomie aux provinces depuis
si longtemps dévastées ; chaque province
aurait alors un gouverneur spécial n ommé
par les puissances : le sultan n'aurait le
droit de donner aucun ordre à ces gouver–
neurs ; chaque province bénéficierait aussi
de l'autonomie financière et le sultan ne
pourrait disposer de la moindre partie des
revenus publics de ces provinces
(1).
—
Comment imaginez-vous qu'on puisse
contraindre le sultan à accepter cette solu–
tion ?
—
L'entente de la France, de l'Angleterre
et de l'Italie doit y pouvoir. Que ces trois
puissances s'accordent et elles pourront im–
poser au sultan une volonté dont aucune
(1)
Actuellement le montant des impôts perçus
sur ces provinces, réserve faite pour la partie
affectée au service de la dette publique, est cen–
tralisé à Yildiz. Mais l'argent qui va
à
Yildiz n'en
revient jamais. Aussi voit-on les provinces en ques–
tion privées des bienfaits les plus élémentaires de
la civilisation, bienfaits que leur travail, leurs ef–
forts, les impôts qu'elles paient devraient leur
avoir depuis longtemps assurés.
nation, si méfiante qu'elle soit, n'aura à
redouter les conséquences.
—
Croyez-vous que les récentes « enten–
tes cordiales » auront pour résultat de déci–
der ces trois puissances à s'accorder entre
elles pour cette fin particulière ?
—
Je l'espère. Il s'agit du succès d'une
cause où seules la « justice » et « l'huma–
nité » sont intéressées. Et je crois que ce
sont les pays de « liberté » qui doivent
prendre l'initiative de décider de ce succès.
—
Pourquoi, ai-je encore demandé à M .
James Bryce, pourquoi, selon vous, l ' An –
gleterre et la France ne se sont-elles pas
déjà mises d'accord pour tenter d'assurer
ce succès ?
1 1
—
Croyez-vous, ai-je poursuivi, que le
gouvernement anglais soit disposé à agir
dans le sens que vous me dites ?
—
Je le crois. Je crois que lord Lans–
downe est de ce point de vue très bien
intentionné. Je crois que lord Lansdowe
pourrai* parler et agir s'il avait la certi–
tude que votre gouvernement soutiendrait
sa parole et son action pour le but et dans
les limites que je vous ai dites.
—
Ainsi, monsieur, résumé-je, si je vous
ai bien compris, i l n'y a qu'un moyen de
voir la fin de tant de massacres, de tant de
crimes accomplis en Arménie et en Macé–
doine ; i l faut contraindre le sultan Abdul
Hamid à accorder une autonomie absolue
à ces provinces.
—
C'est bien cela, me répondit M. James
Bryce.
—
Et vous croyez qu'il suffirait, à défaut
de mieux, que l'Angleterre et la France
fussent d'accord sur le but à atteindre, pour
qu'il devint immédiatement possible d'agir
sur le sultan ?
—
Je le crois ; je crois, je vous l'ai dit,
que lord Lansdowne est très bien disposé
sur ce point, mais qu'il lui faudrait, pour
pouvoir agir, être certain que votre minis–
tre des affaires étrangères est d'accord avec
lui.
M. James Bryce me quitta sur ces mots.
Le bruit courait, en effet, dans les galeries,
qu'un premier ministre impatienté propo–
sait dans le moment même, à la Chambre,
la procédure parlementaire appelée
guillo–
tine.
Le mot explique suffisamment la
chose, et je compris qu'il tardait à M. James
Bryce d'aller protester là contre.
Je quittais « les maisons du Parlement »
un peu réconforté.
«
Il y a, peut-être, en effet, me disais-je,
plus grand progrès que l'on ne croit. »
En
I Q O 3 ,
le meeting international réuni
au théâtre Sarah-Bernhardt, adjurait les
puissances de mettre enfin un terme aux
massacres d'Arménie et de Macédoine.
Hier, les délégués internationaux à la
conférence de Londres adressaient le même
appel, mais plus particulièrement cette
Fonds A.R.A.M