et de pain avarié. Sans le secours des chré–
tiens de la ville, la plupart des réfugiés
seraient morts de faim. Le 8 juin, le vali a
ordonné le transfert des réfugiés dans les
villages du voisinage; il y eut des scènes
de violences impossibles à décrire; une
émeute sanglante, sur le point d'éclater, fut
heureusement évitée grâce à l'intervention
du consul de France à Van , actuellement
ici en mission. Des secours sont indispen–
sables, sans quoi les malheureux mourraient
par centaines.
Depuis quelques jours les massacres ont
recommencé dans les villages de la cam–
pagne, sous prétexte de chercher des réfu–
giés ; les pillages, incendies et viols sont
fréquents partout; la population est affolée.
Dans la ville même, trente et une bouti–
ques du bazar ont été détruites et les affaires
sont suspendues; une plus grande misère
est imminente par suite du manque de
sécurité des communications entre la ville
et les environs.
Toutes les mesures prises ne nuisirent
qu'aux habitants paisibles, et ce sont eux
qui en supportent les conséquences.
Le vali est revenu de Sassoun depuis le
23
mai ; i l est occupé de la recherche des
réfugiés de Sassoun, qu'il croit être main–
tenant dans les villages de la campagne.
Le
27
mai, le vali s'est rendu en personne
à l'évêché de Moush, pour déclarer qu'un
iradé impérial accorde l'amnistie à tous
ceux qui feraient leur soumission aux auto–
rités ; il a fait dresser deux listes pour y
inscrire leurs noms; l'une a été déposée à
l'évêché et l'autre gardée par l u i .
On ne sait à quoi attribuer le change–
ment du gouverneur de Moush. Le nou–
veau gouverneur, ci-devant à Guindj,
n'inspire pas grande confiance.
C o n s t a n t i n o p l e , i5 juin.
Les rapports consulaires français donnent
un chiffre de
3,
5
oo Arméniens tués pendant
les derniers troubles.
(
Frankfurter
Zeitung).
C o n s t a n t i n o p l e , i5 j u i n .
Le patriarche Ormanian a fait hier, à la
Porte, des protestations énergiques contre
l'état de la population arménienne à Moush
et au Sassoun.
Autres massacres.
V a n , 9 j u i n ,
viA
T i f l i s , *5 j u i n .
Après le massacre de Sassoun, les bachi-
bouzouks et les réguliers turcs ont commis
des atrocités nouvelles dans les autres dis–
tricts arméniens et obligé les Arméniens à
former des bandes de combattants pour
sauvegarder leurs droits élémentaires et
l'existence même de la population paisible,
tandis que ce qui reste des bandes sassou–
niotes lutte encore sur l'Andok-Dag, à
Utchkilissé (Alasgherd), une rencontre a eu
lieu avec les troupes : Turcs tués,
90
;
Ar–
méniens,
12;
à Zivine (Alasgherd), dans
une autre rencontre,
40
Turcs,
60
hamidiés
tués ; Arméniens,
18.
C o n s t a n t i n o p l e ,
via
Sofia,
26
j u i n , 9 h.
10.
Les dernières nouvelles d'Erzeroum an–
noncent la rencontre de troupes avec une
bande de
47
insurgés arméniens qui avaient
traversé les frontières du Caucase. La bande
a perdu
37
tués, 5 prisonniers blessés. Un
officier turc a été tué,
7
soldats tués ou
blessés.
Près de Sassoun, les soldats turcs ont
détruit une bande arménienne de dix insur–
gés et ont fait prisonnier l'un d'eux se
disant lieutenant russe. Un blessé nommé
Azarian avec deux domestiques fut pris
aussi et envoyé à l'hôpital de Moush.
(
Havas.)
Les Puissances, la Porte
et l'évacuation du Sassoun.
C o n s t a n t i n o p l e ,
14
j u i n .
La Porte a envoyé aujourd'hui des ordres
pour que les réfugiés de Moush fussent au–
torisés à rentrer dans leurs villages et pour
que, aussi bien ceux qui veulent y rentrer
que ceux qui se décident à s'établir dans
les plaines, fussent assurés d'une entière
protection. 11 est toujours extrêmement
difficile de se faire une idée claire des der–
niers événements en Arménie. C'est ici
l'opinion universelle que les troubles sont
dus aux efforts faits par le gouvernement
turc pour chasser les Arméniens des mon–
tagnes et les forcer à s'établir dans les plai–
nes où toute tentative d'insurrection serait
aisément écrasée. La Porte dément abso–
lument d'avoir conçu de telles intentions et
certainement l'évidence tend à prouver que
la cause immédiate des récents désordres a
été l'insurrection de bandes révolution–
naires venant de l'autre côté de la frontière
russe. Les ordres envoyés au Vali ont été
montrés aux ambassadeurs, en toute occa–
sion ; il a été constaté qu'ils étaient tels que
les ambassadeurs eux-mêmes les eussent
envoyés, s'ils avaient été à la place du
grand-vizir.
En ce qui touche la demande d'interven–
tion diplomatique qui a été suggérée à Paris
et à un moindre degré à Londres, il est bon
de rappeler les terribles désastres qu'ont
attirés sur les Arméniens une intervention
inconsidérée et inefficace, il y a dix ans.
Les humanitaires anglais et français pour–
ront être satisfaits en laissant la question
aux mains de sir Nicolas O'Conor et de
M . Constans qui agissent de concert avec
la plus parfaite loyauté et à qui on peut se
fier pour faire tout ce que permettent les
circonstances en faveur de la race armé–
nienne cruellement persécutée.
(
Times.)
C o n s t a n t i n o p l e ,
1
j u i n
(
par
lettre).
La réponse du ministre français des
affaires étrangères à l'interpellation du
député de Pressensé sur la situation en
Arménie, n'a pas encore été connue ici, de
par la censure turque, dans des cercles
étendus. 11 n'est parvenu qu'indirecte–
ment qUelques-uns des points de cette
réponse. Il nous faut prendre patience jus–
qu'à l'arrivée des journaux d'Europe. Mais
Mun i r Pacha, ambassadeur à Paris, a com–
muniqué textuellement au Sultan, par le
télégraphe, les débats à, la Chambre sur
l'Arménie.
Ce n'est certainement pas par hasard que
Delcassé avait ajourné sa réponse au mo–
ment où une imposante escadre française
était à l'ancre à Smyrne et une députation
de douze officiers, ayant à sa tête l'amiral
Gourdon, commandant de l'escadre, se
rendait à Constantinople, pour faire visite
au Sultan.
Les dures paroles à l'adresse du Sultan
prononcées par Delcassé, n'ont rien changé
à la cordialité extérieure et aux démons–
trations d'hospitalité que le Sultan a cou–
tume de témoigner en de telles circons–
tances.
Dans des cas encore plus difficiles, Abd-
ul-Hamid a l'habitude de rester maître de
lui et de ne se point découvrir, mais i l est
sûr que les débats de la Chambre française
ont produit sur lui une impression pro–
fonde et peu agréable. La présence simul–
tanée d'une escadre française dans un port
turc était bien calculée ; car l'expérience
montre qu'un certain sentiment d'inquié–
tude rend le Sultan plus souple envers ceux
qui savent le lui inspirer et le rend plus
condescendant à leurs désirs.
Les Français travaillent depuis assez
longtemps à la solution de diverses ques–
tions. Ils veulent à tout prix détruire le
monopole des canons Rrupp en Turquie;
et ils font tous leurs efforts pour vendre au
gouvernement turc le chemin de fer syrien
de Damas-Mezireb, mais afin d'en continuer
pour lui l'exploitation. Si l'effet de la ré–
ponse de Delcassé sur le Sultan n'a pas été
passager, c'est ce que l'on verra vraisem–
blablement bientôt par la suite donnée à
l'un ou à l'autre des désirs français.
(
Frankfurter
Zeitung).
C o n s t a n t i n o p l e ,
20
j u i n .
D'après des informations de source turque
l'ordre de « purger» d'Arméniens le district
de Sassoun a été annulé. Les réfugiés armé–
niens de Moush ont été autorisés à rentrer
au Sassoun.
(
Frankfurter
Zeitung).
C o n s t a n t i n o p l e ,
via
Sofia,
22
j u i n ,
9
h.
i5.
Hier, la Porte a envoyé à ses représen–
tants à l'étranger une circulaire explicative
des événements du Sassoun. Elle en rejette
Fonds A.R.A.M